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Alors que les tensions s’accroissent avec la Russie ou la Chine, l’état-major des armées adopte une nouvelle «vision stratégique» nettement plus dure celle du passé. Il est désormais question de «gagner la guerre» plutôt que de préserver la paix

Les faits – En octobre 2021, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, a rendu public un document résumant sa «vision stratégique». Il abandonne les notions de paix-crise-guerre au profit de compétition-contestation-affrontement. Cette évolution s’opère alors que les armées envisagent un retour aux conflits de haute intensité, face à d’autres armées modernes. L’actualité confirme ses inquiétudes, avec les craintes d’une intervention militaire russe en Ukraine. Mardi, Vladimir Poutine a ainsi promis une réponse « militaire et technique » si les Occidentaux persistaient dans leur politique jugée menaçante par le Kremlin.

C’est un signe des temps et il n’est pas rassurant sur l’état du monde : l’armée française renonce à l’idée de paix. Dans un document doctrinal rendu public en octobre, le chef d’état-major des armées (Cema) Thierry Burkhard, nommé en juillet dernier, a présenté sa « vision stratégique » sous la forme d’une brochure de 24 pages. Elle marque un tournant à l’heure où les bruits de botte se font entendre en Ukraine et les tensions militaires s’accroissent entre les Etats-Unis et la Chine. Selon le chef d’état-major, « la conflictualité a évolué » et il est temps d’abandonner les visions d’hier fondées sur les notions de « paix-crise-guerre». « Nous devons désormais envisager et préparer notre stratégie militaire à la lumière de trois notions : compétition-contestation-affrontement». Adieu donc la « paix », y compris comme objectif d’une politique de défense.

Notre monde serait celui de la « compétition » entre les Nations, affirme le Cema, une « compétition » devenue « l’ordre normal de l’affirmation de la puissance ». Y compris donc de la nôtre. Nous n’en sommes pas encore à la vision israélienne des « campagnes entre les guerres », mais c’est une rupture importante par rapport aux visions post-guerre froide. Il s’agissait alors, pour les armées, de maintenir ou de rétablir la paix, avec, si besoin, l’emploi de la force. Ce fut, par exemple, le cas des guerres de Bosnie et du Kosovo. Durant la guerre froide, jusqu’aux années 80, la dissuasion nucléaire visait, elle, à empêcher la guerre, et donc à préserver la paix, grâce au caractère jugé « inacceptable » des pertes causées par l’usage d’armes atomiques. A bas bruit, nous sommes en train d’entrer dans un autre univers, où la paix est passée par pertes et profits.

La « vision stratégique » du chef d’état-major affiche toutes les apparences du bon sens, comme une réponse aux nouvelles exigences de sécurité dans un monde de plus en plus dangereux. Elle n’a pu être publiée sans l’imprimatur du chef des armées, le président de la République. Interrogé récemment dans Le Point, le général Thierry Burkhard confirmait qu’il « évoquait ces points avec Emmanuel Macron » : « Nous parlons de la même chose, étant entendu que c’est mon rôle de dire comment nous devons nous préparer. »

Politique de puissance.

Force est toutefois de constater que cette « vision stratégique » ne fait l’objet d’aucun débat politique, d’aucune discussion publique alors que – fondée ou non – elle engage la France dans une nouvelle approche de sa défense. Si le chef d’état-major a présenté ses vues aux députés le 6 octobre, le compte rendu de son audition n’avait toujours pas été publié le 22 décembre. Pas plus que celle au Sénat, le 12 octobre. Plus que jamais, la défense relève du domaine exclusif du chef de l’Etat, en lien direct avec la hiérarchie militaire. Dans un entretien au JDD du 19 décembre, la ministre des armées Florence Parly confirmait ses orientations stratégiques : « Nos adversaires cherchent à nous affaiblir en restant délibérément sous le seuil de la conflictualité armée ». […]

L’Opinion

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