ARTHUR RAMBO
un film de Laurent Cantet avec Rabah Naït Oufella, Antoine Reinartz, Sofian Khammes
SYNOPSIS
Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias, Arthur Rambo, qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux…MOINS
Ce sujet passionnant, le réalisateur l’étudie méticuleusement et avec son intelligence coutumière en évitant soigneusement les partis pris (ce qui n’était pas évident avec des thématiques où le jugement moral instinctif est le réflexe le plus naturel), au gré de variations subtiles, mais en donnant à l’ensemble une rythme intense (sur 48 heures) à travers le parcours emblématique d’un jeune homme en pleine ascension sociale dont les côtés Dr Jekyll et Mr Hyde éclatent au grand jour dans une atmosphère de tempête et de naufrage. Un miroir toxique individuel subitement révélé qui est également le reflet déformé de plusieurs fractures bien réelles traversant la société française.
30 000 exemplaire en rayon, plus 15 000 à suivre et une réimpression en suspens : en librairie depuis quelques semaines, le roman Débarquement de Karim D. (un très bon Rabah Naït Oufella) est l’événement du moment, offrant un regard nouveau et pertinent sur les banlieues, l’immigration et l’intégration. Coqueluche des médias, le jeune homme poursuit dans les cercles littéraires parisiens une ascension vers la célébrité initiée avec sa populaire web TV. Mais alors qu’on le fête et que mêmes les portes du cinéma s’entrouvrent, un ouragan surgit. Des centaines de tweets racistes, antisémites, homophobes, misogynes, etc., à l’humour noir abject qu’il a postés les années précédentes sous le pseudonyme d’Arthur Rambo refont surface, suscitant instantanément des réactions en chaîne démultipliées de condamnation, mais aussi d’exploitation politique, des fans de base aux plus grands médias nationaux. Pris dans la tourmente, Karim D. va devoir répondre à son éditeur, à ses amis parisiens, à ses proches de banlieue, à sa famille, à ses admirateurs se sentant trahis, et surtout à lui-même à la question centrale de l’affaire : pourquoi ?
Librement inspiré de l’histoire du chroniqueur radio Mehdi Meklat, le scénario tissé par Laurent Cantet, Fanny Burdino et Samuel Doux explore méthodiquement toutes les ramifications de la double personnalité de cet Icare se brûlant les ailes au feu de la quête de la notoriété et du buzz, et de l’ambition de franchir des frontières sociales figées. Tenant très habilement l’équilibre (ce qui n’allait pas de soi) entre la nette réprobation du contenu des tweets haineux et un minimum d’empathie pour le personnage principal, le film (mis en scène avec une sobre maîtrise et utilisant avec beaucoup d’efficacité les incrustations de textes et les injections sonores) pose un regard très instructif sur une trajectoire cathartique symbolisant parfaitement une modernité chaotique, au croisement du rouleau-compresseur univoque et de la prolifération désorientée.