Contrairement à une idée reçue, les Gaulois utilisaient l’écriture. Un vaste programme de recherche prévoit la prochaine mise en ligne de la totalité des inscriptions gauloises recueillies à ce jour sur notre territoire. Voici un avant-goût de ce qu’il dévoilera.
Ce n’était pas écrit dans le sable… Et pourtant, le cinéaste québécois Denis Villeneuve serait sans doute surpris d’apprendre que le titre de son film “Dune” (2021) inspiré du roman éponyme de science-fiction (1965), de l’écrivain Frank Herbert, était un mot d’origine gauloise ! Un nom né de dun ou dunos qui désigne les sommets, et que l’on retrouve dans dunon (citadelle, oppidum, colline). Latinisé en dunum, il a donné “dun“, présent dans la toponymie d’Issoudun dans le Centre-Val de Loire – l’antique Uxellodunum (la haute forteresse) -, ou encore de Lyon, Lugdunum (la colline de Lug). Mot voyageur passé du gaulois au germanique, puis au moyen néerlandais, “dune” est ensuite revenu dans la langue française autant que dans l’anglaise.
Mais ce n’est pas tout. Au-delà des quelques centaines de mots d’origine gauloise que les linguistes traquent dans notre langue – à l’instar d’alouette, d’ambassade ou de chêne -, une poignée de jeunes chercheurs se sont lancés dans le recensement de l’intégralité des inscriptions laissées par les peuples gaulois depuis plus de 2000 ans. En effet, “à l’encontre du mythe d’une Gaule peuplée d’habitants sans écriture, les Gaulois ont laissé des centaines de documents écrits “, explique Coline Ruiz Darasse, épigraphiste, chargée de recherche CNRS à l’institut Ausonius (Université Bordeaux-Montaigne). De courts textes retrouvés, parfois gravés sur pierre (une centaine d’exemplaires) ou sur des poteries, voire sur des feuilles de plomb – les éventuels textes sur peau, cire, bois, écorce ou autres matières périssables n’ayant pas été conservés, s’ils ont jamais existé.
À la tête de cet important projet, la chercheuse coordonne la mise en ligne d’une plate-forme où sera hébergé le Recueil informatisé des inscriptions gauloises (RIIG), soit l’édition de l’ensemble des 800 inscriptions gauloises, une langue appartenant à la branche celtique continentale de l’arbre linguistique indo-européen, collectées à ce jour dans l’Hexagone – les frappes monétaires et leur symbolique n’entrant pas dans ce programme. Traduits et enrichis, ces écrits sont complétés par un appareillage scientifique recueilli auprès d’archéologues, historiens, linguistes et épigraphistes au cours des trente dernières années. “Pour le monde gaulois, nous possédons bien sûr les “Commentaires de César” et d’autres textes historiques, mais grâce aux inscriptions, nous accédons directement à la pensée des habitants de la Gaule de la fin du 3e siècle avant J.-C. au 3e siècle après J.-C. “, poursuit la spécialiste des langues d’attestation fragmentaire, nom savant de la discipline.
Merci à Hervé