À 19 ans, il était l’un des rappeurs les plus populaires de Suède. Le meurtre d’Einár en octobre dernier a créé une onde de choc, mais a surtout forcé le public à ouvrir les yeux sur l’explosion des gangs dans les quartiers les plus défavorisés du pays.
Haval Khalil ne peut plus reculer. Cela fait deux semaines que le plan a été pensé, mis sur pied et validé par son gang, le Vårbynätverket. Ce 13 avril 2020, il a donné rendez-vous à Einár, un rappeur comme lui, mais bien plus connu, du genre premier des ventes dans le pays. Ils ont prévu de se rejoindre dans un studio d’enregistrement de la banlieue de Stockholm.
Khalil, 25 ans, est arrivé en avance, sûr que sa cible ne se doute de rien. Quand Einár débarque, confiant, plusieurs hommes cagoulés s’engouffrent dans le studio, le molestent, le font sortir violemment et le balancent dans une voiture garée juste devant l’entrée. Direction un appartement délabré situé à quelques encablures. Einár y est séquestré durant plusieurs heures.
Ses ravisseurs l’humilient, le battent, lui mettent du rouge à lèvres, le parent de vêtements de femmes saillants, d’un string rouge… Ils le prennent en photo et font fuiter les images sur les réseaux sociaux. Après lui avoir volé sa Rolex d’une valeur de 30.000 euros et une chaîne en or qui en vaut 15.000, ils le relâchent enfin. Einár est mal en point, sonné, mais encore en vie.
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Aux yeux du monde, la Suède a longtemps reflété l’image d’un pays relativement épargné par les phénomènes violents. Pourtant, depuis dix ans, les gangs sont devenus légion. Pas seulement à Stockholm, non. Helsingborg, Malmö ou encore Göteborg sont aussi touchées. En 2020, quarante-sept personnes ont été tuées par arme à feu sur tout le territoire.
Avec un taux de quatre morts par million d’habitant contre 1,6 en moyenne en Europe, et une augmentation notable chaque année de ces chiffres, la Suède n’est plus un bon élève, loin de là.
Très souvent, lorsqu’un tel crime est commis, un autre survient quelques jours plus tard à proximité. C’est la marque des gangs rivaux, localisés, très ancrés.
Les assaillants d’Einár ont vite été appréhendés, sans l’aide de leur victime, qui a refusé de moucharder. Honneur oblige. Il faut dire qu’il semblait aisé de les retrouver, tant les méfaits du Vårbynätverket sont connus de tous dans les milieux souterrains. Les photos postées sur les réseaux ont vite eu raison de l’anonymat des commanditaires.
Le 14 juillet 2021, soit moins d’un an et demi après les faits, les sentences tombent: Yasin est condamné à dix mois de prison ferme, Khalil à deux ans et demi, et Chihab Lamouri à dix-sept ans et dix mois pour l’ensemble de son œuvre. Mais ce procès n’est pas seulement celui d’un kidnapping. C’est en fait tout un réseau qui est jugé, vingt-sept personnes en tout, pour différents méfaits. Le total des peines s’élève à 147 années de prison.