L’image de Marine Le Pen s’adoucit mais sans élargir son espace politique
Mis en place en 1983, le baromètre d’image du Rassemblement National, réalisé par Kantar Public avec Le Monde et France Info, offre avec une méthodologie inchangée (interrogation en face-à-face au domicile de l’interviewé) quatre décennies d’évolution de l’adhésion aux idées du parti créé par Jean-Marie Le Pen, de l’image de ses dirigeants, et de son attrait électoral.
Outre le contexte particulier d’une année électorale, le baromètre 2022 prend en compte une circonstance inédite : pour la première fois, un concurrent qui n’est pas issu de ses rangs, Eric Zemmour, vient faire concurrence à Marine Le Pen en apparaissant plus radical que la présidente du RN. Cela semble participer à l’adoucissement de l’image de cette dernière, sans pour autant améliorer son crédit ou le soutien aux idées que les deux candidats ont en partage.
Avant tout la représentante d’une droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles
Est-ce l’effet de la comparaison avec Eric Zemmour ? Au début de cette année électorale le regard des Français sur Marine Le Pen semble avoir changé : 40%, soit 9 points de moins qu’en février 2019 voient en elle la représentante d’une « extrême-droite nationaliste et xénophobe », quand 46% la considèrent comme la représentante d’une droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles (+7). Par comparaison, 64% des Français considèrent Eric Zemmour comme le représentant d’une extrême-droite nationaliste et xénophobe.
L’image de Marine Le Pen présente plusieurs évolutions qui vont dans le même sens et semblent récentes au vu des comparaisons avec la précédente vague de notre baromètre, en mai 2021. Elle est perçue comme davantage « sympathique et chaleureuse » (33%, +4 points) ou « honnête et inspirant confiance » (27%, +3).
Le RN moins perçu comme un danger
Si l’image de Marine Le Pen s’est adoucie, elle ne s’est pas pour autant banalisée : 50% estiment que la Présidente du RN représente « un danger pour la démocratie », nettement plus que d’autres personnalités clivantes et attaquées sur cet aspect, comme E. Macron (31% le considèrent comme un danger) ou Jean-Luc Mélenchon (29%). Mais là encore, la comparaison avec Eric Zemmour est à l’avantage de Marine Le Pen, puisque 62% des personnes interrogées estiment que le polémiste est un danger pour la démocratie. En outre, la comparaison dans le temps de l’image du Rassemblement National sur cette même question confirme l’atténuation de l’inquiétude qu’il suscite : 48% pensent qu’il représente un danger pour la démocratie. C’est 10 points de moins qu’il y a 5 ans, et 25 points de moins qu’au début des années 90.
Un attrait électoral et une crédibilité pour gouverner qui restent limités
Pour autant, cette évolution du regard porté sur le Rassemblement National n’impacte pas sa capacité à séduire et à convaincre : la part des Français qui se disent en accord avec les idées du Rassemblement National est stable (29%) par rapport à l’an dernier et reste en-deçà du niveau de 2017 (33%). La part de ceux qui envisagent de voter pour lui à l’avenir recule également, de 27% en 2021 à 23% en 2022. Le RN reste modérément perçu comme un parti ayant la capacité de participer à un gouvernement (34%, +1 point).
Seule évolution notable dans l’attitude à l’égard du parti : le souhait que LR le combatte recule et de manière très marquée auprès des sympathisants LR
23% (-5 points) des Français considèrent que Les Républicains doivent combattre le parti de Marine Le Pen, une proportion qui tombe à 15% chez les sympathisants LR (soit 18 points de moins que l’an dernier). Et si un tiers de ces derniers (32%, +9) considèrent qu’il faut refuser tout accord politique avec le RN sans le combattre, ils sont désormais 43% à estimer que Les Républicains doivent faire des alliances électorales avec le RN selon les circonstances, soit un bond de 17 points en un an.
Une crédibilité supérieure à celle d’Eric Zemmour, mais une capacité à rassembler entamée
Non seulement Marine Le Pen est perçue comme moins extrême qu’Eric Zemmour, mais elle fait l’objet d’un rejet moins massif. Le nombre de Français qui souhaitent sa victoire à la présidentielle est limité (21%) mais nettement supérieur à la proportion qui exprime le même souhait s’agissant du journaliste devenu candidat : 8%. Et si la capacité à rassembler leur électorat commun se joue sur les chances supposées de l’emporter, l’avantage est aussi pour la Présidente du Rassemblement National : 29% jugent probable qu’elle remporte la victoire, quand seuls 10% font le même pronostic pour son concurrent immédiat. Reste que cette concurrence a pu entamer le crédit de Marine Le Pen sur sa capacité à « rassembler au-delà de son camp », telle que les Français la perçoivent. C’était l’un des principaux atouts de la Présidente du Rassemblement national en 2014 (58% lui attribuaient cette qualité). Son échec face à E. Macron avait fait passer cette proportion de 42% début 2017 à 30% un an plus tard. Son image s’était ensuite lentement redressée sur ce point, jusqu’à 37% en 2021. Cette qualité est en net recul, à 32%, en cette année présidentielle, et cette dégradation est sans doute la conséquence de la candidature d’un Eric Zemmour venu chasser sur ses propres terres.
Les idées prônées à la droite de la droite ne progressent pas
Le fait d’avoir deux porte-parole au premier plan de la campagne électorale ne fait pas réellement progresser les idées qu’ils professent dans l’opinion publique. La part de Français qui estiment qu’il y a « trop d’immigrés en France » (47%, +1 point depuis 2021) ou qu’on ne se sent « plus vraiment chez soi en France (39%, -1 point) restent stables et inférieurs aux niveaux observés dans le passé. Parmi les idées défendues par Marine Le Pen dans cette campagne, la présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre suscite un certain intérêt (53% sont d’accord), mais la suppression de l’aide médicale d’Etat (32%) ou la suppression du droit du sol (30%) convainquent beaucoup moins. Quant à la notion d’assimilation, chère à Eric Zemmour comme à Marine Le Pen, elle ne séduit pas davantage. 27% des Français se disent d’accord avec l’idée de « promouvoir l’assimilation des personnes étrangères ou d’origine étrangères, c’est-à-dire la disparition des signes distinctifs de leur origine étrangère à l’image de prénoms, de pratiques religieuses ou culturelles ».
Enquête réalisée du 5 au 11 janvier 2022, auprès d’un échantillon national de 1016 personnes représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, interrogées en face-à-face à leur domicile. Méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne de référence) et stratification par région et catégorie d’agglomération.
L’étude