27/01/2022
Le microcosme des élites autoproclamées s’émeut : les établissements prestigieux Henri-IV et Louis-le-Grand vont rentrer dans le droit commun en rejoignant la procédure Affelnet qui régit le passage au lycée à Paris. Une réforme nécessaire qui devrait être soutenue par la gauche, estime le professeur Jean-Paul Brighelli.
(…) « Que des médias de droite s’indignent de voir entrer des pauvres dans leur réserve peut se comprendre, ils défendent leurs privilèges. Que des gens de gauche en fassent autant est plus troublant. »
Les 500 familles de ces 500 élèves se sont émues, et ont tiré toutes les sonnettes — et de la presse à l’Élysée en passant par l’Institut Sapiens d’Olivier Babeau, elles ne manquent pas de relations. Que des médias ou des organismes de droite s’indignent de voir entrer des pauvres dans leur réserve peut se comprendre, ils défendent leurs privilèges. Que des gens de gauche en fassent autant est plus troublant.« Les parents qui ne sont pas au fait des subtilités de la caste n’ont aucune chance de voir leurs enfants acceptés en seconde dans ces ghettos de bourgeoisie parisienne. »
Ainsi, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Louis-le-Grand s’indigne : « Le traitement algorithmique ne permet pas de distinguer les bons, les très bons et les excellents élèves ». Et le SNES, syndicat d’enseignants, en remet une couche. « Il est important que les enseignants s’impliquent et regardent les dossiers scolaires, les notes mais aussi les appréciations, pour voir de qui on va pouvoir obtenir le meilleur. Cet élitisme scolaire fonctionne. Il n’y a qu’à voir le nombre d’élèves que nous plaçons aux concours généraux », met en avant Anne Paradas, enseignante en mathématiques et responsable du SNES-FSU à Louis-le-Grand. Êtes-vous bien conscient de ce que vous dites, camarades ?
(…) Être un bon prof ne consiste pas à sélectionner en seconde 500 têtes blondes – il y a peu de têtes brunes dans ce système – pour les amener en prépas.
(…) Marianne
26/01/2022
[…] l’admission en seconde se fera par la magie d’un algorithme agissant sur la plate-forme Affelnet. Seront surtout pris en compte l’adéquation entre le projet de l’élève et les options offertes dans les lycées depuis la réforme du bac, mais aussi la position géographique des candidats et – nouveauté – un indice de position sociale des parents. Ce qui compte le moins est donc ce qui est le plus important, c’est-à-dire le niveau de l’élève, sa capacité de travail et son aptitude à réussir dans un environnement exigeant et concurrentiel.Il s’agit clairement d’aller dans le sens d’une plus grande mixité sociale, au détriment du mérite. « La réforme dans son ensemble a pour objectif d’apporter plus de transparence et plus d’équité. Henri-IV et Louis-le-Grand possèdent une forte visibilité et font figure de référence au niveau national. Ils ont vocation à montrer la voie en termes d’ouverture sociale », explique, dans les colonnes du Monde, Claire Mazeron, directrice académique des services de l’Éducation nationale (DASEN) de Paris chargée des lycées. Un argument qui ne résiste pas à une minute de réflexion : sous couvert de mixité sociale, et alors que des systèmes comme les cordées de la réussite, favorisant des élèves boursiers, étaient déjà mis en place, c’est à un nivellement du niveau des lycées publics parisiens que tend ce funeste dispositif. Et comment revendiquer une plus grande transparence dans l’étude des dossiers si on en confie la tâche à un algorithme, qui plus est sélectionnant les dossiers sur des critères sociaux ? C’est d’ailleurs à ce titre que la sectorisation ne sera pas opérante pour ces deux lycées : qui, en effet, habite dans le 5e arrondissement de Paris, si ce n’est des classes sociales très aisées ? La déconstruction de ces derniers lycées d’excellence ne va faire qu’accélérer et creuser ces fameuses inégalités sociales : la sélection, interdite ici, aura lieu ailleurs et les meilleurs lycées privés seront pris d’assaut… au détriment des bons élèves, méritants, qui ne pourront se permettre d’en supporter le coût. C’est une gifle morale et sociale qui leur est ici infligée.
[…]24/01/2022
DÉCRYPTAGE – Les deux prestigieux lycées publics parisiens ont toujours sélectionné eux-mêmes les élèves admis en Seconde : cette exception leur sera retirée par le rectorat dès la rentrée prochaine. Une décision qui suscite la consternation de nombreux enseignants et parents d’élèves.
La nouvelle a eu l’effet d’un séisme dans les couloirs de ces deux lycées, situés dans le voisinage l’un de l’autre, dans le quartier latin. Les lycées Louis-le-Grand et Henri IV vont se voir retirer dès la rentrée prochaine la possibilité de sélectionner eux-mêmes les lycéens admis à entrer en classe de Seconde. Contrairement en effet au reste de l’enseignement secondaire public, les deux lycées n’appartenaient à aucun secteur de l’Académie de Paris et recrutaient leurs élèves au terme d’un examen minutieux de leur dossier scolaire, incluant les bulletins de notes du collège, une lettre de motivation, parfois des lettres de recommandation d’un professeur principal…
Une exception, gage évidemment d’excellence pour ces établissements de grande renommée convoités par les meilleurs élèves, qui s’achèvera donc à compter de septembre prochain puisque Henri IV et Louis-le-Grand vont être intégrés à la procédure générale de répartition des élèves pour l’entrée en classe de Seconde.