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À 27 ans, Charlène n’avait jamais franchi les portes de la mosquée de Lannion (Côtes-d’Armor) jusqu’à ce jour de novembre 2021, où elle a décidé de s’y rendre « en cachette ». Après des mois d’hésitations, elle a fini par contacter l’imam pour lui faire part de son désir de conversion. « Cette envie est venue pendant le premier confinement, après une période difficile », confie-t-elle au téléphone.

Aujourd’hui musulmane pratiquante, cette employée de boulangerie, non baptisée mais scolarisée dans des établissements catholiques, dit apprécier le « cadre » que lui offre l’islam. Charlène prie quotidiennement, mangehalal et ne boit plus d’alcool. « Je suis les règles qui me semblent les plus justes, qui conviennent le plus à ma personnalité », déclare-t-elle. « Mais je n’imagine pas arrêter de fêter Noël, ou les anniversaires de mon petit garçon. Je sais que ce n’est pas bien, mais on fait tous des bêtises ! » « Pas bien » ? Où a-t-elle entendu que célébrer un anniversaire était un péché ? La réponse tient en deux mots : sur TikTok.

Si Charlène s’est convertie, c’est d’abord grâce à Redazere, un « tiktokeur » […]

il dispense des « rappels » (messages pour remémorer aux fidèles un point de théologie ou de pratique), entrecoupées d’images de la série coréenne Squid Game ou de ses vacances au Mexique. Selon l’humeur du jour et les questions formulées en commentaires, ce jeune homme charismatique indique quelle invocation prononcer à l’approche d’un examen, il prône la charité, lance des défis participatifs – comme citer le plus de noms d’Allah en trente secondes –, ou encore affirme qu’écouter de la musique et regarder les femmes n’est pas permis en islam.

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Un compte comme celui d’« Ilhan.st » permet de réaliser combien ces discours en ligne ont évolué […] 469 000 abonnés […]

« En tant que musulmans (…), on ne peut pas se permettre de ressembler à des non-musulmans », lance-t-il en réponse à un commentaire critique. « L’islam, c’est un mode de vie. Et n’oubliez pas : l’islam modéré n’existe pas. L’islam que l’on vit, c’est l’islam de l’époque d’anNabi (le Prophète), et on ne peut pas se permettre de le modifier. » Interrogé sur l’existence des dinosaures par un abonné, le tiktokeur botte en touche, arguant qu’il y a « des choses plus essentielles à savoir », et qu’« Allah est le plus savant ». […]

Plus professoral, Hamid S., 37 ans, est le visage de « Comprends Ton Dîne » […] 500 000 abonnés […]

Les fêtes d’anniversaire sont déconseillées car « basées sur des fondements païens qui sont en contradiction avec notre religion ». Une autre vidéo le montre décrochant un poster de l’équipe de France de football, au motif qu’il serait « interdit en islam d’accrocher toute sorte de photo qui serait composée de créatures humaines ou animales ». En matière de football toujours : porter un maillot sur lequel figure une croix, comme celui du FC Barcelone, « n’est pas autorisé en islam, tout simplement car la croix du Barça est un symbole religieux ». […]

Sous une vidéo dans laquelle Redazere affirme qu’il est « super grave » d’effectuer seulement quatre prières sur cinq, un adolescent a écrit : « Reda, à cause de tes vidéos j’ai peur. J’ai que 13 ans et je trouve (…) que je gagne trop de péchés, que je fais pas assez pour Allah. » La capacité de diffusion des vidéos sur TikTok est d’autant plus grande qu’il n’est pas nécessaire d’y rechercher un contenu pour le voir apparaître. Le il « Pour Toi » du réseau social suggère en effet constamment aux utilisateurs de nouvelles vidéos sélectionnées par l’algorithme sur la base de leurs interactions précédentes. « Avant, il fallait être versé dans le salafisme pour aller chercher ces contenus, commente Damien Saverot, doctorant à l’École normale supérieure. Aujourd’hui, on a des influenceurs ne se réclamant pas ouvertement du salafisme qui le diffusent auprès de personnes qui ne le connaissent pas, en prétendant qu’il s’agit simplement de l’islam. Cela contribue à imposer le salafisme comme norme de référence dans l’imaginaire collectif. » […]

La Croix

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