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De l’Aube au Gard, du Vaucluse à l’Aisne, « Le Monde » est allé à la rencontre de Françaises et des Français convaincus de voter pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour à l’élection présidentielle.

Cette France-là se sent perdue, déboussolée. Cette France-là se sent aussi comme portée par un air de revanche. Sur les marchés de Seine-et-Marne ou d’Alsace, dans les cafés du sud de l’Aisne, dans les villages du Gard, les pavillons de l’Aube, les rassemblements anti-passe sanitaire à Paris, les associations d’anciens dans les Alpes-Maritimes, les petits commerces de l’Oise ou Vaucluse que nous parcourons depuis neuf mois, une phrase revient : « Je ne comprends plus. La France n’est plus la France. » Et avec elle, l’expression d’une colère, l’espoir d’un changement radical, aussi, qui conduit ces Français à s’accrocher à la thèse du « grand remplacement », boussole bloquée qui désigne l’immigration et l’islam comme causes des maux individuels et des peurs collectives, théorie raciste, inventée par l’extrême droite, selon laquelle il existerait un processus volontaire de substitution de la population européenne par une population étrangère.

Ces Français disent leur peur de perdre leur place, leur angoisse que le pays cède son rang, comme si les brisures dans leurs histoires personnelles résonnaient en écho à celles de la nation. Des signes, des indices, des preuves du « grand déclin national », ils les perçoivent partout, ou presque, intimement mêlés au sentiment qu’ils sont eux-mêmes menacés par le monde tel qu’il avance. L’exaspération qui vient, cela peut être la fermeture d’un commerce, l’ouverture d’un kebab. Un fait divers à 800 kilomètres de chez soi ou un cambriolage chez un voisin. Une femme voilée aperçue dans la zone pavillonnaire où l’on a construit, en s’endettant, des années plus tôt, des klaxons intempestifs d’un jeune « Arabe » trop pressé, la « une » du quotidien régional sur les saisies de drogue dans une cité ou un reportage à la télévision sur l’islamisme radical.  […]

Le Monde

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