07/02/2022
Le Professeur Mostefa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche, (FOREM) estime qu’aujourd’hui la France « ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens pour composer ses besoins » et que « faute d’activité économique importante », l’Algérie ne peut pas absorber toutes ces compétences » Il affirme que « le chiffre aurait pu être plus important ».
L’exode des médecins algériens vers l’étranger se poursuit. 1200 médecins s’apprêtent à quitter le pays pour s’installer en France. Comment expliquez-vous cet exode ?
Ce n’est pas un phénomène spécifique à l’Algérie. Ce phénomène touche aussi un peu la Tunisie, le Maroc et surtout l’Egypte. Ce sont des pays exportateurs de main-d’œuvre qualifiée.
Aujourd’hui, nous avons un système de formation assez important et qui produit beaucoup. Ce que l’on produit aujourd’hui est difficile à intégrer faute d’activité économique importante. Nous l’avons constaté et ce n’est pas valable uniquement pour la médecine. A l’ESI (Ecole nationale supérieure d’informatique), pratiquement 80% des promotions partent à l’étranger depuis dix ou quinze ans.
Cela veut dire que nous produisons et que nous formons pour l’étranger. Il en est de même pour l’Ecole polytechnique d’Alger et même des autres écoles polytechniques du pays. Nous avons de grandes écoles qui forment pour l’étranger. Aujourd’hui, on le voit pour le côté médecine, mais cela existe dans d’autres domaines. […]
Que pourraient apporter au pays les médecins algériens installés à l’étranger ?
L’école de médecine d’Algérie forme des gens qui sont exportables et de qualité. Ces gens-là vont, certes, partir travailler à l’étranger mais vont rester en contact avec leurs familles et proches restés en Algérie.
Ils pourront dans les prochaines années apporter certainement un plus. Ils pourront, aussi, investir chez eux dans leurs villes et leurs villages. Il ne faut pas négliger tout cela.
Le fait que des médecins partent s’installer à l’étranger n’est pas nécessairement une perte pour le pays. Si on sait utiliser les compétences, ce n’est pas forcément une perte. Le monde est aujourd’hui un village. On peut être en contact à distance immédiatement, quotidiennement de manière permanente.
On peut donc importer ce savoir-faire d’une manière ou d’une autre. Il suffit pour nous de nous préparer à ce nouveau monde qui sera un monde pratiquement à distance et je pense que le Covid a accéléré les choses.
Sur les 2000 lauréats aux épreuves EVC cette année, toutes nationalités confondues, plus de la moitié sont Algériens. La France aurait-elle une préférence pour les médecins algériens ?
La France a tout fait pour faire appel à des compétences européennes. On le sait avec l’apport des médecins polonais, roumains, bulgares etc. Mais les Français se sont aperçus que les médecins de ces nationalités étaient, peut-être, éloignés de leur culture et que cela posait problème, notamment au niveau des villages et des structures de santé françaises.
Aujourd’hui, ils ont affaire à des Maghrébins et en particulier à des Algériens parce que ces derniers connaissent la culture française et sont beaucoup plus proches de la culture française que ne le sont certains européens. C’est une évidence. Même si les Français ne veulent pas le dire.
Le chiffre aurait pu être plus important. Probablement beaucoup de médecins spécialistes algériens n’étaient pas au courant. Beaucoup n’ont peut-être pas rempli correctement leurs dossiers.
S’il y a un renouvellement du concours, il y aura probablement autant d’admis. Le problème ne se pose pas à ce niveau-là. La France a des besoins importants en couverture médicale, elle ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens, ou Maghrébins, pour composer ses besoins. Pratiquement dans tous les hôpitaux français, on retrouve aujourd’hui des médecins maghrébins.
06/02/2022
« Une véritable saignée, comme une plaie béante qui vide le système nerveux de la matière grise, s’étendant, d’année en année, à toutes les pépinières de compétences que compte le pays », s’indigne le quotidien Liberté, qui titre en une « Ils fuient… ! », après l’annonce du départ de quelque 1 200 médecins algériens vers la France. Un chiffre qui n’a « jamais atteint cette ampleur », s’alarme le quotidien El Watan.
L’information, donnée par le docteur Lyes Merabet, président du Syndicat autonome des praticiens de santé publique (SNPSP), concerne les résultats publiés, le 4 février, par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers en France (CNG) dévoilant que, sur les 1 993 lauréats des épreuves de vérification des connaissances (EVC, un concours annuel), 1 200 sont des médecins spécialistes algériens. Ces derniers peuvent donc commencer à exercer dans les hôpitaux en France. « Néanmoins, les lauréats du concours devront se faire à l’idée d’avoir un statut de médecins étrangers, bénéficiant d’un poste intermédiaire, une catégorie inférieure à leurs collègues français », précise le quotidien El Watan. Ils n’auront, selon le même média, leur inscription à l’Ordre des médecins français qu’au bout de trois ans d’évaluation par les responsables des structures hospitalières où ils exercent. (…)