Chercheur au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), Antoine Jardin retrace les évolutions d’une décennie de statistiques sur l’insécurité. Alors que 45 % des lecteurs de la Voix du Nord placent le sujet de la délinquance parmi les prioritaires de la présidentielle, il alerte sur les caricatures que peut en tirer le monde politique.
Quelle est la réponse du chercheur sur une liaison entre délinquance et immigration ?
« En réalité, on voit une stabilité des indicateurs enregistrés dans l’enquête CVS (NDR : enquête ‘Cadre de vie et sécurité’ menée depuis 2007 par le ministère de l’intérieur) et un niveau plutôt élevé de l’immigration depuis vingt-cinq ans. Donc cela plaide pour une absence de lien entre les deux.
L’argument souvent soulevé par les défenseurs de cette thèse, c’est que parmi les personnes condamnées et incarcérées, on trouve une proportion élevée de personnes immigrées. Mais ils omettent de prendre en compte les autres variables, et notamment le niveau social.
En outre, vous allez avoir des personnes qui commettent des actes illégaux mais qui ne sont pas poursuivies ou pas poursuivies de la même façon. Ce qui fait qu’elles vont être sous-représentées parmi les détenus.
Enfin, quand on évoque l’immigration, c’est une catégorie floue. Ceux qui font un lien n’évoquent pas l’immigration portugaise ou italienne. Ils développent donc une vision raciale de l’immigration. »
Le CESDIP est une unité mixte de recherche du CNRS, créée le 1983. Il est l’émanation du Service d’Études Pénales et Criminologiques du ministère de la Justice (SEPC) établi en 1969. Le CESDIP occupe une place particulière dans le paysage des laboratoires de sciences humaines et sociales (SHS) en France, en raison de sa spécialisation historique dans un champs, celui des institutions pénales et des déviances, mais aussi du fait de la structuration de ses tutelles qui sont au nombre de quatre : le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Ministère de la Justice (MJ), l’université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ) et Cergy Paris Université (CPU).