FIGAROVOX/TRIBUNE – L’essayiste établit un lien entre l’évolution démographique de la France et le score de Jean-Luc Mélenchon, qui a séduit une partie significative de l’électorat musulman. Elle estime, par ailleurs, que la notion de «vote utile» est étroitement corrélée à l’omniprésence des sondages.
Depuis dimanche soir, un grand nombre de raisons sont avancées pour expliquer la déroute de la droite et l’ascension de Jean-Luc Mélenchon devenu, à lui seul, le «vote utile» pour toute la gauche ; mais la vraie raison n’est jamais évoquée.
(…) Étrangement, une variable décisive, à savoir l’évolution de la démographie électorale, se trouve passée sous silence. Un petit rappel s’impose. Dès 2011 Terra Nova, le laboratoire d’idées de la gauche, décrit «la France de demain, face à une droite dépositaire de la France traditionnelle» et écrit alors, noir sur blanc, que «la population française est en expansion démographique et en mutation identitaire: en 2006, près de 150 000 acquisitions de la nationalité française ont été accordées, en augmentation de 60 % par rapport à 1995. Dans l’hypothèse d’une continuation à l’identique, ce sont entre 500 000 et 750 000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel (…)» Et Terra Nova de préciser que ce sont « notamment les individus d’“autres religions”, composés à 80 % de musulmans, qui sont plutôt enclins à voter à gauche» et que «dans ces conditions, la dynamique démographique est très favorable à la gauche.»
Lors de la campagne présidentielle de 2012, c’est sans aucun complexe que François Hollande, face à Nicolas Sarkozy, surfe déjà sur l’arithmétique implacable de la démographie.
(…) Quel crédit accorder à un «front républicain» qui conduirait à marcher aux côtés de gens qui ont pu être, ne fût-ce qu’un seul jour, les compagnons de route d’«officines» qui «œuvrent contre la République» ? La notion de «vote utile» est étroitement corrélée à l’omniprésence des sondages. Si les électeurs n’en avaient pas été autant matraqués, ils auraient voté sur la base de leur seule conviction, nourrie par l’analyse comparative des offres programmatiques. Sans ces sondages, la notion même de vote utile, ou encore de vote pour faire barrage à des candidats, n’existerait pas. En France, l’élection présidentielle, qui est l’élection reine, constitue une salutaire soupape de sécurité.
Aussi, cette prise en otage de l’élection par les sondages pourrait se révéler lourde de conséquences sur le climat au sein de la société, si un trop grand nombre d’électeurs venaient à considérer qu’ils ont voté sous tutelle. Afin que les électeurs recouvrent la pleine propriété de leur vote, une véritable réflexion sur la liberté du vote doit être menée, et des actions engagées en ce sens. Retisser le lien de confiance entre les élites et le peuple devient une urgence vitale pour le devenir de notre démocratie, à un moment où le niveau de défiance atteint des niveaux inquiétants. (…)
(Merci à Blaireau Bondissant)