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Et quand bien même le Rassemblement national prendrait-il une gifle aux législatives, il n’est pas certain que cela le desserve, prévient le politologue Jean-Yves Camus, qui étudie les extrêmes droites européennes depuis près de quarante ans. Lorsque Le Point l’interroge, le chercheur a du mal à contenir sa colère. « Depuis 2002, rien ne change ! Ce parti est considéré comme ne méritant pas l’intérêt, et quand, trois semaines avant l’élection, le feu arrive dans la grange, on y va au canon de 75. Le résultat est une défaite, tout le monde pousse un lâche soupir de soulagement… » et, les cinq années suivantes, les attentes exprimées par ces millions d’électeurs sont renvoyées dans les limbes. « Qu’est-ce qu’on fait de ces gens, qui sont des citoyens français ? On espère qu’ils vont se rallier à LREM ? Décrocher et rester chez eux ? Ce n’est pas sain… »
Jean-Yves Camus y voit une crise démocratique profonde qui, au lieu d’étouffer les extrêmes, les renforce davantage à chaque scrutin. « Les attentes de ces électeurs, leurs angoisses, leur mal-être sont balayés d’un revers de main par l’étiquette qui leur colle à la peau. Mais on ne peut pas dire que ces gens sont en dehors du spectre démocratique à jamais, ou que tout ce qu’ils disent est naturellement pure propagande. Les attentats islamistes, la financiarisation excessive de l’économie, la panne de l’ascenseur social ne sont pas pure propagande ! Je ne prends pas leur défense, je dis simplement qu’on n’a pas idée de la crise démocratique qu’on traverse, qui voit 10 millions de nos compatriotes privés de mode d’expression parce que leur parti n’est intégré dans aucune coalition, qu’il n’y a pas de proportionnelle… »
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