Une plainte a été déposée contre l’une des membres du conseil d’administration du Collectif 50/50, qui défend les droits des femmes dans le monde du cinéma. Si l’affaire est si sensible, c’est qu’elle réunit tous les débats qui traversent le mouvement féministe.
« On se rend compte qu’on n’était pas préparées à ça… Nul n’est à l’abri de situations pareilles. C’est dramatique, c’est douloureux et, en même temps, c’est pour nous un exercice d’humilité. » Jusqu’à peu, Laurence Lascary était l’une des trois coprésidentes du Collectif 50/50, qui œuvre à l’égalité des droits des femmes – leur visibilité, leur statut, leurs salaires, et la lutte contre les agressions sexuelles – dans le monde du cinéma. C’était avant « l’affaire ». Car, le 11 mars, une militante féministe invitée à une soirée informelle du collectif a accusé une autre femme, membre de son conseil d’administration, d’avoir eu à son égard un geste inapproprié. Depuis, 50/50 a littéralement volé en éclats.
Le mouvement est apparu il y a quatre ans sur la scène médiatique avec la photo de ces 82 femmes, actrices, réalisatrices, productrices, montant les marches du Festival de Cannes. Dès lors, fortes de leur millier d’adhérents et d’adhérentes, mais aussi de leur diversité de profils, elles se sont faites fourmis et ont obtenu des avancées saluées partout, obligeant ici à des quotas, là à des bonus pour la production de films où la parité des films est respectée, rédigeant un Livre blanc sur les violences sexuelles ou mettant en place des mentorats. Trois salariées, un conseil d’administration de vingt et une personnes et un bureau.
Tout ça, évidemment, ne va pas sans tensions. Et la pandémie a raidi les positions. En visioconférence, les points de vue deviennent plus tranchés. « Les différences qu’on avait réussi à additionner ne s’additionnaient plus », confie l’une des administratrices. Et puis, avec des ateliers et des assemblées mis en veilleuse, le noyau dur du conseil s’est éloigné des adhérents. Il faut redynamiser la machine. Un séminaire est donc programmé pour le samedi 12 mars. Et, histoire de mettre de la joie dans tout ça, des retrouvailles informelles sont organisées la veille.
(…) L’autre hiatus, c’est l’intersectionnalité ou, pour le résumer autrement, la double peine d’être à la fois femme et racisée. (…) Qu’en l’occurrence la plaignante soit comédienne et noire quand l’accusée est productrice et blanche conforte ceux qui théorisent toute violence sexuelle comme une question dominant-dominé. Et que la productrice ait touché les cheveux de la comédienne – de ce geste-là, il y a beaucoup de témoins – peut déjà, en soi, être considéré par certains comme un crime moral.
(Merci à Adri et Blaireau Bondissant)