Il se voyait Premier ministre. Et il avait sans doute de bonnes raisons. Il faut dire que quelques semaines plus tôt, en mars 2002, sa liste “Leefbaar Rotterdam” avait raflé 22 des 45 sièges du conseil municipal de Rotterdam, ce qui en avait fait le premier parti de Rotterdam et ce n’était pas un mince exploit, après trente ans de domination du Parti travailliste (PvdA) à la tête de la ville portuaire.
Une surprise d’autant plus grande que les sondages n’avaient pas prévu un tel scénario. Certes, le populiste Pim Fortuyn attirait de plus en plus l’attention, mais de là à ce que sa liste rafle la première place du conseil municipal de Rotterdam, il y avait une solide marge, c’est en tout cas ce que croyaient les observateurs.
Son succès, Pim Fortuyn l’a construit grâce à quelques thèmes favoris : l’immigration, l’insécurité et les rapports avec l’islam. Des “marqueurs” d’extrême droite, même si l’homme n’appréciait pas que lui soit collée cette étiquette. Très critique vis-à-vis de l’Union européenne, dont il voulait limiter les compétences, Pim Fortuyn voulait également mettre fin aux accords de Schengen qui autorisent la libre circulation des personnes dans les pays qui en sont signataires.
(…) Le 15 mai 2002, la Liste Pim Fortuyn va devenir le 2e parti des Pays-Bas grâce aux 1.614.801 électeurs qui lui ont accordé leur vote (17% des voix), ce qui se traduit par 26 des 150 sièges de la Chambre des députés.
” A l’époque, c’était une percée assez inédite dans l’histoire des Pays-Bas “, explique Benjamin Biard, chercheur au CRISP spécialisé dans l’étude des formations d’extrême droite et du populisme et chargé de cours invité à l’UCLouvain, “en tout cas en ce qui concerne l’extrême droite car on si on avait déjà vu des formations populistes et de gauche radicale se développer avant cela, les Pays-Bas semblaient relativement épargnés par ce type de formation populiste d’extrême droite. Il y avait bien eu le Boerenpartij (Parti des agriculteurs) qui a obtenu un score relativement bon en 1967, mais son développement a été plutôt éphémère et le parti n’a pas réussi à s’implanter durablement dans le paysage politique néerlandais“.
Mais Pim Fortuyn n’est plus là pour se réjouir de cette percée inédite : neuf jours avant les élections, le 7 mai 2002, soit il y a précisément 20 ans, il a été assassiné par un militant d’extrême gauche alors qu’il sortait d’un studio radio pour une interview, ce qui va provoquer une onde de choc aux Pays-Bas. Près de 15.000 personnes assisteront à ses funérailles.
(…) Deux ans après sa mort, un sondage qui demandait aux Néerlandais de désigner les personnages les plus importants de leur histoire a suscité une certaine émotion : Pim Fortuyn devançait par exemple les peintres Rembrandt et Van Gogh, les philosophes Spinoza et Erasme ou encore les reines Juliana et Beatrix.
Récemment, une série tv lui a été consacrée. Chacun des 5 épisodes a rassemblé près d’un million de téléspectateurs, dont un tiers de jeunes entre 20 et 34 ans.
Aujourd’hui, deux décennies après son assassinat, une grande majorité (66 %) de Néerlandais a une opinion positive de Pim Fortuyn et de ses idées politiques.
Tué le 6 mai 2002 par un militant d’extrême-gauche afin selon ce dernier “de protéger les musulmans des discours de Fortuyn”, l’homme politique aura contribué à convaincre 60% des Néerlandais que les valeurs de l’Islam sont incompatibles avec celles des Pays-Bas.
— Paul Cébille (@Ellibec) May 6, 2022
Rappel : l’assassin d’extrême-gauche de Pim Fortuyn a été libéré de prison… en 2014