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Comme tous les ans à cette période de l’année, je corrige les copies de mes étudiant·es de Sciences Po Lyon. Mon cours consiste en une initiation aux questions de genre, et je demande toujours aux étudiant·es de rédiger une synthèse du semestre, avec présentation personnelle au début du devoir. Cette année, une chose me frappe cruellement : les récits d’étudiantes étrangères qui documentent l’insécurité qui règne dans les rues pour les jeunes femmes. Ici, deux extraits de copies. La première étudiante est norvégienne. La seconde est italienne. Mais du Nord comme du Sud de l’Europe, un constat s’impose : nous avons un sérieux problème, et sans doute sommes-nous loin de faire ce qu’il faut pour le résoudre. Tout ce que j’espère c’est que les jeunes femmes que je cite ici garderont tout de même un souvenir positif de leur semestre d’étude en France. Voyez par vous-même… « En tant que femme venant de Norvège, j’ai remarqué une grande différence dans la façon dont les femmes sont traitées en France par rapport à chez moi. Je me souviens que lorsque la directrice a fait un discours le premier jour de la rentrée, la première chose qu’elle a dite était de demander aux filles de faire attention où elles marchent la nuit et ce qu’elles portent ici à Lyon. Même si elle a dit cela, je pense que je devais faire l’expérience de ce dont elle parlait pour vraiment comprendre, et j’en ai fait l’expérience. Des hommes qui sifflent par la fenêtre de leur voiture lorsqu’ils passent devant moi, le faire de me demander si je peux “payer autrement qu’avec de l’argent“, et même le fait d’être touchée de manière inappropriée par des inconnus dans la rue sont avant de choses que j’ai vécues cette année en France. Le sexisme et le harcèlement dont j’ai fait l’expérience en France dépassent tout ce que j’ai connu dans ma vie ». « En Italie j’habite à 5 minutes à pied du centre-ville et, même si mes parents préfèreraient que je ne le fasse pas, quelques fois je rentre seule après une soirée. Rien ne s’est jamais passé. Je n’ai jamais rencontré personne qui m’a harcelée sur la voie du retour. En revanche à Lyon, j’étais étonnée quand, à la réunion d’intégration de l’université au début de l’année la directrice nous a avertis en disant que les gens qui s’approchent dans la rue et le cat calling (NDLR : le fait d’aborder une personne, le plus souvent une femme, dans l’espace public et de manière non sollicitée avec des commentaires à charge sexuelle) sont normaux en France, mais surtout de faire attention et de ne pas répondre puisque le risque est trop grand d’être agressé. Sur le moment je n’y ai pas cru. Je me suis dit que probablement c’était la même situation que dans le reste du monde, mais de l’autre côté il me semblait très bizarre qu’elle nous l’ai dit à la réunion à l’université… Mon incrédulité a bientôt été réfutée après quelques semaines… Cela montre la domination masculine et le sentiment patriarcal dont la société est encore imprégnée ».

Muriel SALLE
Historienne. Maîtresse de Conférences. Co-responsable de la Mission Egalités à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon chez IEP de Lyon. Responsable de la rubrique “Santé” du magazine Femmes ici et Ailleurs.

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