Alors que les demandes de changement de sexe chez les mineurs sont «en très forte augmentation» en France, dans le sillage des pays anglo-saxons, l’Académie de médecine alerte sur le «nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”». Pointant un «risque de surestimation diagnostique réel», la société savante a appelé fin février à une «grande prudence médicale» chez l’enfant et l’adolescent, «compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population et des nombreux effets indésirables, voire des complications graves, que peuvent provoquer certaines des thérapeutiques disponibles». Ypomoni, un collectif de parents qui milite «pour une approche éthique des questions de genre» et qui «grossit de semaine en semaine», rapporte «des histoires qui se ressemblent toutes: ados harcelés, agressés sexuellement, haut potentiel intellectuel (HPI), autistes, consultations expédiées, certificats de complaisance…» Et dans certains cas, les familles n’hésitent plus à se tourner vers la justice.
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Le rapport «relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans», remis en janvier au ministère de la Santé, confirme un «nombre croissant depuis dix ans de mineurs en interrogation de genre et en demande de transition». «Les consultations spécialisées sont saturées», indique ce document, rédigé avec l’appui de l’Igas, qui appelle «à accueillir sans a priori les questionnements d’identité de genre», mais aussi à prendre en compte «les facteurs de survulnérabilité» chez les adolescents trans comme la déscolarisation, les comportements suicidaires, les troubles psychiques et les troubles du spectre autistiques.
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Épouvantée par l’ampleur du phénomène, Blandine, une enseignante, a créé avec un groupe de militantes féministes le podcast Rebelles du genre, afin de donner la parole à des «détransitionneuses». Pour elle, le discours actuel sur le genre signe l’apparition d’une «nouvelle oppression» sur les femmes. «Le phénomène trans touche plus les jeunes filles aujourd’hui, notamment celles qui ne rentrent pas dans les stéréotypes de genre. De plus, cette volonté de changer de sexe est souvent liée à la volonté d’échapper à un passé de violences sexuelles, de harcèlement. La difficulté de s’accepter comme lesbienne, à faire face à la lesbophobie peut également jouer un rôle», pointe-t-elle. «Aujourd’hui, l’accès au parcours de transition est un peu plus ouvert qu’autrefois et moins contraignant, ce qui explique cette augmentation des demandes, considère pour sa part Simon Jutant. De même, lorsque l’on a arrêté de contrarier les gauchers, leur nombre a augmenté d’un coup.» En France, le phénomène a explosé «durant le confinement», insiste la militante de Rebelles du genre, avec un effet de «contagion» sur les réseaux sociaux. «Isolées de la vie réelle, des jeunes filles se sont convaincues en ligne, en quelques semaines, qu’elles étaient des garçons. Des adolescentes m’ont raconté qu’elles étaient en permanence connectées à des forums de communautés trans qui jouent sur la victimisation. Elles avaient l’impression de rejoindre le camp du bien, des opprimés, et se voyaient acclamées quand elles se déclaraient non-binaires». Même constat pour l’association SOS Éducation, qui demande «que l’École reste en dehors du militantisme trans-affirmatif, dans l’intérêt supérieur des enfants»: «L’emprise des idéologies militantes trans-affirmatives fait croire à de plus en plus de jeunes en questionnement que le changement de sexe est la seule solution pour échapper à la souffrance identitaire qu’ils traversent, s’effraie-t-elle.
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Quand elle remonte à son enfance, Hélène se souvient qu’elle ne se sentait pas très à l’aise avec les idées reçues sur la féminité. «J’ai toujours été attirée par les sciences. Je me sentais délaissée, différente des autres filles. Ni la mode ni la danse ne m’intéressaient. Je savais bien que je n’étais pas obligée de correspondre à ces stéréotypes mais c’est quand même difficile de s’en débarrasser», confie-t-elle. Diagnostiquée autiste Asperger, à l’écart des groupes, ses années collège virent au cauchemar. Troubles du comportement alimentaire, complexe sur son poids… Hélène est mal à l’aise avec son corps, avec les autres.
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«Je n’aimais pas mon visage ni mon corps. Je m’imaginais être un homme, avec une mâchoire plus carrée, un début de barbe. Cette image m’apaisait. J’avais l’impression que je serai plus moi-même. Tout est parti de là.» Changer de corps pour chasser la détresse, pour se rapprocher de ses modèles, fuir cette idée de la femme comme objet de désir: Hélène y croit. «Certaines théories qui circulaient dans la communauté me semblaient un peu ridicules mais j’ avais aussi de l’empathie pour les trans. J’ai été bien accueillie, je me suis sentie intégrée. Je ressentais la même chose qu’eux. Je m’identifiais.» Alors, malgré ses doutes, l’adolescente se dit qu’elle a «tous les signes d’un homme né dans le mauvais corps». Pronom masculin, nouveau prénom: Hélène se présente désormais comme Léo. «J’ai pensé que ce serait une vraie libération, plus importante que les inconvénients liés aux traitements médicaux», explique-t-elle. Elle se met à porter pantalons de costume et un binder, une brassière qui lui compresse la poitrine. Ses parents acceptent de l’appeler par son nouveau prénom mais restent prudents. Pas question de prendre des hormones ou d’entamer une transition médicale avant ses 18 ans. À l’approche de la majorité, Hélène hésite. «L’idée que le sexe biologique était juste une construction sociale me dérangeait, décrit-elle. J’ai été aidée par un ami qui m’a raconté comment il a pu gérer sa dysphorie sans transitionner. Un jour, j’ai compris que cette idée selon laquelle j’avais besoin de changer mon corps pour être heureuse était un mensonge. Et que j’avais utilisé cette étiquette “trans” pour déguiser toutes les difficultés que j’avais du mal à gérer.» Doucement, elle a accepté l’idée que son «problème» ne venait pas de son corps, mais plutôt «du regard de la société sur les femmes».
Sans aller jusqu’à dénoncer un « lavage de cerveau», elle déplore une «absence de remise en question» des demandes de transition d’adolescents en souffrance. «Pour déconstruire le genre, on leur dit qu’ils peuvent changer de sexe: quel mensonge! dénonce-t-elle. Il est temps de s’intéresser un peu plus à la parole des personnes qui ont détransitionné.»