Dominique Simonnot appelle à “prendre des mesures exceptionnelles pour faire sortir du monde”, car “il y a énormément d’alternatives possibles”.
“Envoyer tant de monde en prison, cela ne sert à rien et ça coûte très cher”, s’est insurgée jeudi 2 juin sur franceinfo Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté qui vient de publier son rapport annuel ce jeudi. Il y a 60 683 places dans les prisons françaises où vivent 71 053 détenus, ce qui fait une densité carcérale en taux d’occupation de plus de 117 % en moyenne. “Je suis extrêmement choquée. La surpopulation est un scandale”, lance-t-elle.
franceinfo : Dans quelles conditions vivent les détenus en France ?
Dominique Simonnot : La maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan est surpeuplée à 230%. Hier, il y a eu un drame dans cette prison qu’on ne peut qu’attribuer à la surpopulation. Il y a eu un incendie de cellule. C’est souvent le seul moyen pour les détenus de protester. (…)
Vous appelez à desserrer l’étau. La surpopulation est pour vous génératrice de tensions et de violences ?
Exactement. Imaginez-vous vivre dans un espace vital de 1,30 mètre carré par personne ? Il n’y a pas d’accès aux soins puisque les prisons ne sont pas dimensionnées par rapport au nombre de détenus qu’elles hébergent, mais au nombre de places théoriques d’hébergement. Donc, il n’y a pas plus de surveillants qu’il y ait 300 ou 800 détenus. Cela crée des tensions, surtout pour aller à la promenade, pour aller aux douches quand il n’y a pas de douches en cellule, pour aller aux activités. Il n’y a pas assez de médecins, il n’y a pas assez de soignants, il n’y a pas assez d’enseignement. Cela crée des tensions entre les détenus et entre les détenus et les surveillants. Dans cette prison de Gradignan, il y a eu deux suicides à la mi-mai déjà. Je trouve scandaleux qu’on laisse les détenus et les surveillants partir à la dérive.
La prison aujourd’hui fabrique de la récidive ?
Oui, il faut savoir qu’une journée de prison coûte 110 euros par jour au contribuable. Cela fait très cher pour fabriquer à la sortie de la récidive puisque ce temps passé en prison dans les conditions que je viens de vous décrire, il ne sert à rien. Imaginez-vous dans cette situation pendant six mois, vous sortez dans quel état ? Or le but de la prison, c’est de punir, certes, mais aussi de réinsérer, d’essayer de rendre les gens meilleurs à la sortie.
Au printemps 2020, pendant le premier confinement, les pouvoirs publics avaient pris des mesures de régulation carcérale pour libérer des prisonniers en fin de peine. Vous auriez souhaité que de telles mesures soient reconduites ?
Je le souhaite vivement. Je l’ai réclamé à maintes reprises au garde des Sceaux. J’ai fait des textes dans les journaux pour appeler à cette régulation carcérale. Je ne suis pas la seule à appeler à la régulation carcérale, je pense qu’elle doit être inscrite dans la loi maintenant. On a prouvé au temps du Covid que c’était possible que des prisonniers pouvaient être libérés en fin de peine. Ce n’est pas un drame si on libère des gens quinze jours, trois semaines avant leur fin de peine en plus suivis par des juges d’application des peines et les services de probation et d’insertion. Donc forcément, c’est un meilleur accompagnement qu’une sortie sèche. Il n’y a pas eu de drame que je sache avec ces libérations, il n’y a pas eu une vague de délinquance énorme. Je suis extrêmement choqué. Je considère que la surpopulation, c’est un scandale.
Quelle est la première mesure d’urgence à prendre ?
La régulation carcérale ! Faire sortir du monde, prendre des mesures exceptionnelles pour faire sortir du monde et après raisonner autrement que de penser que la prison est la seule sanction qui vaille. Alors qu’il y a énormément d’alternatives possibles, comme le travail d’intérêt général, le placement extérieur, le sursis probatoire. Il y a énormément d’alternatives et il faut s’en servir. Il faut que les magistrats apprennent à s’en servir au lieu d’envoyer tant de monde en prison. Ça ne sert à rien et ça coûte très cher.
(Merci à BB)