Le député LR/UDI sortant de la 8e circonscription des Français de l’étranger Meyer Habib concentre sa campagne en Israël où se trouvent 74.000 votants. Et n’hésite pas à mobiliser Benyamin Netanyahou et les rabbins, dont le Grand rabbin d’Israël, pour être réélu.
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Ce que Meyer Habib s’autorise ferait, dans d’autres situations, un tollé. Imaginerait-on un candidat à la députation pour les Français du Maghreb, de confession musulmane, être appuyés par le gouvernement marocain ou tunisien, et solliciter les prêches d’imams à l’appui de sa campagne? Ici, le chroniqueur peut, un instant, parler de lui? C’est aussi honnête. Les mondes qu’évoque Meyer Habib ne me sont pas étrangers. Ni Israël, où vit une partie de ma famille, ni le sionisme, l’idéologie fondatrice de cet État compliqué, ni le le judaïsme, qui enseigne, par des métaphores, la vertu de la séparation des genres. On ne mélange pas le lin et laine dans des vêtements, le lait et la viande dans les assiettes; on ne devrait pas mélanger la shoule, la synagogue, la «syna» où il fait bon prier, et la politique; on ne devrait pas mélanger la Torah et l’ambition. Habib ne s’interdit rien. C’est un signe des temps. Il présente son adversaire, Florence Drory, comme «une candidate pro-palestinienne et chantre d’une laïcité anti-religieuse». Ce serait sordide si ce n’était pas ridicule. Drory vit en Israël. Son époux fut ambassadeur de ce pays, à Rome et Bruxelles. Socialiste, elle a rejoint Macron, qui n’est pas au rang des adversaires de l’État hébreu. Son tropisme libéral et son goût pour la high-tech l’ont conduit en Israël, quand il était ministre, où il enchanta le monde des start-ups. Drory représente exactement des élites culturelles, modernes, progressistes, qui entrainent aussi bien les sociétés françaises qu’israéliennes: c’est aussi cette modernité que combat Habib. Il y a à cela une logique et une réminiscence.
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Il est décidément étrange de discuter de sionisme et de judaïsme, dans un débat d’une législative française mais, Meyer Habib, qui s’en réclame et le travestit, faisant campagne dans des synagogues et des prêches rabbiniques, nous y oblige. Le sionisme, né au temps des nationalités, fut une volonté de retour dans le monde du peuple juif; une suite de l’émancipation individuelle, née des lumières, et son complément. L’État conçu dans l’utopie de Herzl serait un État parmi les Nations, contribuant au monde et recevant de lui. Le sionisme se métissa des idéologies de son temps, qu’elle fussent nationalistes, socialistes, étatistes, collectivistes ou petites-bourgeoises. Il est aujourd’hui contaminé des régressions identitaires et religieuses et du déni du réel. L’apocalypse devient une option. Le sionisme a épousé un sale temps messianique et suicidaire. Meyer Habib fait une campagne sale, mais pas plus sale que celles d’un Trump ou d’un Netanyahou, à son échelle. Il lui manque quelques dizaines d’âmes votantes pour survivre. Il utilise les armes de ce moment.