Dans certains quartiers de la cité phocéenne, pour aller voter, les riverains doivent montrer patte blanche face au barrage des trafiquants de drogue.
« Tu vas où ? » Le gamin qui pose cette question à l’automobiliste à qui il vient de faire signe de stopper, ce dimanche matin à l’entrée de la cité La Savine, n’a qu’une quinzaine d’années. C’est un « chouf », un guetteur. Son ton, à peine suspicieux, n’est pas agressif. Car d’une certaine manière, c’est un « commercial », son rôle est de diriger les gens qui viennent acheter de la drogue vers les « charbonneurs », lesquels vont organiser la transaction. Et il ne doit donc pas effrayer la « clientèle ».
Mais son rôle est aussi d’arrêter, systématiquement, toutes les voitures qui passent par là. Afin de donner l’alerte si les forces de l’ordre débarquent. Il n’a qu’à appuyer sur le bouton du talkie-walkie qu’il tient à la main. C’est plus rapide qu’un portable pour donner l’alerte. Il n’a qu’à crier le fameux mot « ara », qui signifie que la police arrive dans la place. À ce moment-là, la drogue est précieusement cachée, les « choufs » et les « charbonneurs » se dispersant comme des moineaux.
– « Je vais à l’école primaire, voir comment se passent les élections », répond l’automobiliste.
– « C’est bon, tu peux passer », lance alors le « chouf ». Muni de cette « autorisation », intolérable en République, le conducteur peut alors contourner les barrières de chantier et les pierres déposées sur une moitié de la chaussée afin d’obliger les voitures (en particulier celles de la police) à ralentir avant d’entrer dans la cité.