Extraits du résumé de l’étude :
[…]Définition :
Il existe un certain nombre de termes et de définitions liés entre eux concernant l’extrémisme de droite. L’extrémisme de droite n’apparaît pas dans le vide et doit être compris à une extrémité d’un spectre allant du nationalisme à l’extrême droite. Cas Mudde parle d’une “échelle” d’abstraction des idéologies afin d’aider à conceptualiser les définitions, avec des caractéristiques supplémentaires pour chacune. La figure ci-dessous fournit une représentation schématique de l’échelle sous forme de spectre.
La littérature académique sur l’extrémisme de droite comprend un grand nombre de définitions spécifiques qui sont liées mais diffèrent légèrement.
Dans ce rapport, nous proposons de définir l’extrémisme de droite en utilisant le double spectre de l’idéologie et des méthodes.
En ce qui concerne l’idéologie, les caractéristiques de l’extrémisme de droite comprennent trois traits caractéristiques que, dans le contexte de cette étude, nous définissons comme suit :
- La croyance en une certaine forme d’inégalité ou de hiérarchie naturelle entre les personnes ou les groupes de personnes, ce qui peut englober le racisme, la xénophobie et l’homophobie ;
- La croyance en l’autoritarisme (position dure sur la loi et l’ordre caractérisée par le conventionnalisme, la soumission et l’agression);
- L’objectif implicite ou explicite de détruire le système démocratique tel qu’il existe actuellement (antidémocratie).
Il est important de noter que, sur le plan idéologique, les extrémistes de droite doivent présenter ces trois caractéristiques pour être définis comme tels. D’autres caractéristiques peuvent être présentes, mais ne sont pas nécessaires aux fins de cette définition pour classer un groupe ou une personne comme extrémiste de droite.
La principale caractéristique de l’extrémisme de droite, qui le distingue du radicalisme de droite, est son rejet des valeurs fondamentales des démocraties et de l’État de droit. En tant que tel, en termes de méthodes, il permet aux extrémistes de droite de légitimer le recours à la violence pour poursuivre leur objectif. La menace ou le recours au harcèlement ou à la violence est donc la principale caractéristique de l’extrémisme de droite. Cette violence peut inclure des attaques terroristes (le terrorisme d’extrême droite étant de facto un extrémisme de droite), les crimes haineux, la violence spontanée ainsi que les discours haineux et l’incitation à la violence ou à la haine.
Pour être considérés comme extrémistes de droite, les individus ou les groupes doivent donc inclure les trois aspects idéologiques de la définition en plus des aspects comportementaux.
Tendances :
Les partisans de l’extrême droite peuvent souvent être différenciés en partis politiques, organisations militantes non parlementaires et groupements informels. Ils partagent certains éléments idéologiques, comme l’intolérance à l’égard des minorités, le racisme et la xénophobie (observés dans l’écrasante majorité des partis et groupes du spectre du nationalisme radical à l’extrême droite) et ciblent souvent les musulmans, les réfugiés et les migrants, mais aussi la communauté LGBTQ+. En particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale, la communauté rom, souvent associée à certains types de crimes et accusée de l’être, constitue une autre cible importante.
Dans certains cas (comme le NPD, DIE RECHT et III Weg en Allemagne, Nordfront, NS et le NMR en Suède, Légió Hungária en Hongrie), l’extrémisme de droite se fonde sur des idées suprématistes selon lesquelles les valeurs ethniques (et chrétiennes) sont menacées et doivent être défendues. Dans certains pays, l’extrémisme de droite se fonde sur une idéologie catholique-nationaliste (Action française en France, Camp national-radical en Pologne) ou sur un conservatisme culturel (comme l’Union militaire Levski en Bulgarie), qui s’appuie sur des croyances traditionnelles fortes autour de la famille et du genre et contre la communauté LGBTQ+.
Les partis politiques de droite radicale utilisent souvent des discours de haine contre les minorités mais évitent tout engagement violent direct ou tout appel à un comportement violent en public (par exemple, la Reconquête d’Éric Zemmour en France, l’AfD en Allemagne), même s’ils ont des liens étroits avec des mouvements plus radicaux de la scène d’extrême droite. Toutefois, les acteurs politiques ont tendance à exploiter les préjugés populaires et à organiser de manière proactive et prennent part à des événements publics, tels que des rassemblements, des protestations ou des manifestations, qui peuvent être incendiaires et ont un fort potentiel de violence. Les restrictions imposées par le gouvernement contre la pandémie de Covid-19, qui ont été vivement critiquées par des groupes de la droite radicale à l’extrême droite (Forza Nuova en Italie, AfD en Allemagne), en sont un exemple frappant. La propagande s’est concentrée sur une violation apparente des droits fondamentaux, associée à une critique de l’ensemble du système étatique. En Allemagne notamment, les manifestations démocratiques ont été fortement influencées par les extrémistes de droite.
Souvent, les extrémistes de droite essaient d’étendre leur influence et leurs activités à d’autres parties de la société, par exemple à travers la musique (DE), les événements sportifs (DE, SE) ou en influençant le débat politique (FR).
[…]En outre, les tendances identifiées en matière d’extrémisme de droite sont les suivantes
- L’internationalisation du mouvement, caractérisée par des événements tels que la Journée de l’honneur à Budapest, qui rassemble des mouvements d’extrême droite de toute l’Europe ;
- L’utilisation accrue d’Internet pour communiquer et diffuser de la propagande par le biais de des sites de réseaux sociaux grand public, mais aussi des panneaux d’affichage ou des services de messagerie cryptée ;
- l’intégration des idées d’extrême droite pour rendre la culture et les idées marginales d’extrême droite plus acceptables, notamment par l’humour et le sarcasme (comme le youtuber Papacito en France).
Les idées défendues par les partis d’extrême droite se retrouvent également dans les partis de la droite radicale de l’échiquier.
[…]Recommandations :
Le phénomène de l’extrémisme de droite a pris de l’ampleur au cours des dernières décennies. Il n’apparaît pas et ne fonctionne pas dans le vide, mais s‘appuie sur des changements réels ou perçus dans la société, tels que la mondialisation, le multiculturalisme et les politiques d’austérité liées à une réduction générale du niveau de vie.
Malgré de nombreuses tentatives, il n’y a pas eu de réponse efficace pour réduire l’importance et l’influence du phénomène. l’influence de ce phénomène. Ce rapport fournit un certain nombre de recommandations, dont les plus importantes sont les suivantes :
1. Définir le phénomène
Il n’existe pas de définition commune de l’extrémisme de droite. Si l’on ne définit pas le phénomène, il est plus difficile de l’identifier et de le combattre.
- L’UE devrait adopter une définition de l’extrémisme de droite afin de le combattre.
- Une telle définition est pertinente afin de fournir un meilleur cadre pour comprendre, l’étudier, le mesurer et lutter contre ce phénomène. (priorité élevée)
2. Réagir au phénomène
Les recherches entreprises pour cette étude ont permis d’identifier des lacunes dans la législation sur le phénomène lié à l’extrémisme de droite.
- L’UE devrait adopter une résolution pour aider à définir et à contrer l’extrémisme de droite violent, tout en exhortant les États membres dont la législation présente des lacunes à remédier à la situation. (priorité élevée)
- L’UE devrait aider à développer le cadre d’une collecte plus cohérente et harmonisée des données sur les actes d’extrémisme de droite dans les États membres. (priorité moyenne)
Même lorsque le cadre juridique national est complet, il n’est pas toujours appliqué correctement.
- La Commission devrait lancer des procédures d’infraction sur la base de l’article 258 du TFUE pour s’assurer que les États membres appliquent les normes définies dans la législation européenne contre le racisme et la discrimination. (priorité élevée)
Il est largement reconnu qu’il est difficile d’enregistrer, d’enquêter et de poursuivre l’extrémisme de droite et ses manifestations criminelles. Il convient de mettre davantage l’accent sur la formation et les capacités.
- L’UE devrait demander à Europol et aux autorités nationales chargées de l’application de la loi d’améliorer ces activités, ainsi qu’à CEPOL et aux organismes nationaux de formation de développer des instruments à cette fin, conformément à ce qui est déjà fait. (priorité moyenne)
- L’UE devrait contribuer à l’élaboration d’un cadre pour le développement de la collecte systématique et du signalement automatique de ces délits au niveau des États membres et de l’UE (par exemple à la Commission, FRA, etc.), afin d’identifier les problèmes à un stade précoce et de prendre les mesures appropriées. (priorité moyenne)
- L’UE devrait contribuer à l’élaboration d’un cadre pour la mise en place de mécanismes permettant de mesurer plus précisément l’ampleur du problème des discours et crimes haineux, tels que par des enquêtes auprès des victimes. (priorité moyenne)
3. Prévention
Une approche de la justice pénale et de la répression de l’extrémisme de droite ne peut suffire à résoudre le problème seul. Des mesures s’attaquant plus efficacement aux phénomènes qui alimentent l’extrémisme de droite, notamment la polarisation et l’inégalité dans les sociétés européennes, devraient compléter les initiatives de répression.
- L’UE devrait lancer des campagnes contre l’extrémisme de droite au niveau européen et encourager le développement et le financement de programmes à long terme soutenant les organisations et les initiatives citoyennes au niveau local pour aider à développer la résistance de la population à l’extrémisme de droite. (priorité élevée)
Les besoins et les problèmes dans les États membres varient en fonction du contexte national. Dans des pays tels que la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie, il convient de se concentrer davantage sur des actions préventives durables (par opposition aux initiatives basées sur des projets, qui ont été la forme dominante d’intervention) et se concentrer davantage sur l’extrémisme de droite qu’actuellement.
- En tant que telle, une recherche plus spécifique est nécessaire pour établir plus fermement les besoins et améliorer la prévention de la radicalisation des individus vers l’extrême droite dans les États membres. (priorité moyenne)
La responsabilité et le leadership politiques sont importants pour donner le ton et influencer le débat public.
- L’UE, et notamment le Parlement européen, devrait continuer à mettre en évidence les cas de discrimination et de racisme, de la part des dirigeants politiques, lorsqu’ils empruntent des contenus et des méthodes à l’idéologie d’extrême droite. (priorité moyenne)
La société civile joue un rôle important, en particulier dans les États membres où le gouvernement semble favorable ou guidé par une idéologie radicale de droite et où l’État de droit est remis en question.
- L’Union européenne devrait continuer à soutenir la société civile au niveau de l’UE et des États membres afin de renforcer la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. (priorité moyenne)
L’euroscepticisme est une caractéristique commune importante de la grande famille politique de la droite radicale.
- Les institutions européennes doivent être conscientes de la manière dont leur réponse sera perçue, car sinon, leur réponse pourrait avoir l’effet inverse de celui escompté et renforcer le soutien à des groupes plus radicaux ou extrémistes. radicaux ou extrémistes. (priorité faible)
Les activités en ligne sont un élément émergent important des groupes et individus d’extrême droite.
- L’élimination des groupes d’extrême droite qui utilisent, promeuvent et incitent aux discours de haine, aux crimes haineux et à la et à la violence sur des plateformes mondiales populaires peut entraîner une perturbation opérationnelle importante et limiter leur portée. (priorité moyenne)
Extraits de la fiche pays sur la France :
La principale menace de ces groupes est qu’ils sont apparus en dehors des groupes traditionnels d’extrême-droite. Dans une large mesure, pendant plusieurs décennies, le Front national a réussi à représenter un centre de gravité suffisamment important pour que la plupart des mouvements d’extrême droite puissent le contourner. Dans une large mesure, pendant plusieurs décennies, le Front national a réussi à représenter un centre de gravité suffisamment important pour que la plupart des mouvements d’extrême-droite puissent le contourner. Sous la direction de Jean-Marie Le Pen, les membres et l’idéologie du FN étaient diversifiés et comprenaient des nationaux-révolutionnaires, des néo-nazis, des traditionalistes catholiques et bien d’autres. À bien des égards, le parti était suffisamment diversifié pour représenter de nombreux acteurs du spectre du nationalisme radical à l’extrémisme de droite. Avec la transformation progressive du Front national en Rassemblement national avec une stratégie visant à se rendre plus acceptable (et éligible) par un électorat plus traditionnel de droite et de électorat de droite et de centre-droit plus traditionnel, un nombre croissant de petits groupes d’extrême-droite ont émergé, dont certains développent de plus en plus leur propre identification distincte.
Bien que cette tendance soit perceptible, ces groupes se concentrent souvent sur des questions culturelles et politiques sans concourir aux élections, mais contribuent à mettre en lumière des questions qui sont ensuite souvent reprises par le RN. Ces groupes, les trois caractéristiques de la définition de travail de l’extrémisme de droite (la croyance en une certaine forme d’inégalité ou de hiérarchie naturelle entre les personnes ou les groupes de personnes, l’objectif implicite ou explicite de détruire le système démocratique et les droits de l’homme), sont des exemples de groupes d’extrême droite. La mesure dans laquelle ils sont prêts à utiliser la violence ou à la tolérer est plus difficile à évaluer chez certains d’entre eux. Ils peuvent être classées comme suit :
- Mouvement identitaire (Génération identitaire, Les identitaires, Nissa Rebela). Ce mouvement est apparu au début du siècle. Il s’est basé sur les conclusions que la stratégie liée au FN n’était pas réussie. Par conséquent, leur stratégie a été modifiée, fortement influencée par les écrivains de gauche et le mouvement altermondialiste, notamment le concept d’hégémonie culturelle développé par Antonio Gramsci. Ainsi, les principaux partisans du mouvement identitaire se sont progressivement éloignés du FN et leur stratégie a consisté à essayer d’influencer le débat public sur des questions telles qu’un prétendu racisme anti-blanc ou la construction de mosquées.
Étant donné le nombre relativement faible de militants et leur manque d’accès aux médias de masse, le mouvement identitaire s’appuie fortement sur les médias sociaux pour communiquer et comprend un certain nombre de YouTubeurs (voir ci-dessous).
Plus récemment ; l’émergence d’Eric Zemmour comme candidat à l’élection présidentielle de 2022 est un symptôme de la popularité accrue des idées sur le nationalisme radical au spectre de l’extrême droite.
Son programme est au moins de droite radicale, incluant des éléments de nationalisme culturel et ethnique (frein strict à l’immigration incluant la limitation du droit d’asile, aspect anti-musulman tel que l’interdiction du foulard dans les espaces publics), rejet des éléments libéraux de la société. Au cours de sa campagne ainsi que dans son rôle précédent de personnalité médiatique, il a promu des théories de la conspiration telles que le Grand Remplacement selon lequel il existe un stratagème d’une élite politique, économique et médiatique pour remplacer la population française (et européenne) par une population d’origine africaine.
[…]Une autre spécificité de l’extrémisme de droite en France est la popularité de certains partisans de l’action violente en ligne et notamment sur YouTube. Il existe un certain nombre d’influenceurs et de YouTubeurs qui promeuvent les idées d’extrême droite et, dans certains cas, la violence. L’incident le plus médiatisé est une vidéo de deux extrémistes d’extrême droite montrant sur un mannequin comment tuer un militant d’extrême gauche et discutant de la façon de se procurer des armes à feu. Afin d’éviter d’être poursuivis et retirés de YouTube, les membres de la “fachosphère” veillent à ce que leurs vidéos soient réalisées de manière humoristique (afin d’affirmer le manque de sérieux de leur action) ou utilisent des métaphores. Par exemple, les migrants en situation irrégulière sont qualifiés de “sangliers”, de sorte que des analogies avec la chasse peuvent être utilisées pour inciter à la violence à leur encontre. […]
Etude “L’extrême-droite dans l’UE” – Traduction Google en français / Version en anglais
Rapport présenté le 15/06/2022 à la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen