La sécularisation de la France associée à un manque de moyens accélère la détérioration du patrimoine religieux français. C’est le constat alarmant posé par Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, respectivement sénateur PCF des Hauts-de-France et sénatrice LR de l’Ardèche, dans un rapport présenté mercredi 6 juillet sur le patrimoine religieux français. L’état des églises à travers la France est très variable en fonction des situations. Les églises construites avant 1905 et qui appartiennent aux collectivités locales sont en bien meilleur état que celles détenues par l’Église construites après cette date.
En effet, les premières ont plus de moyens pour conduire les travaux nécessaires à la restauration des édifices religieux. Les églises les plus menacées sont plus particulièrement celles datant du XXe siècle pour leur faible intérêt culturel et leurs matériaux de mauvaise qualité, rendant les frais de restauration particulièrement onéreux. Ainsi, l’Observatoire du patrimoine religieux estime que 2.500 à 5.000 édifices sont menacés de démolition d’ici 2030.
Si la menace qui pèse sur les églises est bien souvent le rachat par des particuliers ou des entreprises qui les transforment par la suite en logement, en bar ou bibliothèque, comme dans de nombreux pays anglo-saxons, la France est épargnée par ce genre de pratiques. Depuis 1905, « seules » 250 églises communales ou diocésaines, soit 0,6% de l’ensemble du patrimoine religieux catholique, ont été rachetées et transformées par des particuliers, ont indiqué les sénateurs lors de la présentation citant des chiffres de la Conférence des évêques de France. « Les élus sont attachés à leur église. Vendre serait vécu comme un échec », affirme Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-France et rapporteur de la mission d’information. Ce dernier rappelle d’ailleurs que les monuments religieux font la richesse de la France, et en particulier de ses territoires ruraux : « Il faut cesser de concevoir le patrimoine comme une dépense mais comme un investissement. Le patrimoine n’est pas une charge que l’on ne serait pas capable d’assumer mais une chance pour notre pays. »
Le rapport se penche aussi sur l’état des objets et mobiliers religieux. Un grand inventaire « de la cathédrale à la petite cuillère » pour reprendre l’expression d’André Malraux, devrait être lancé dans les mois à venir, lance le sénateur communiste. En effet, faute d’une base de données précise sur les richesses que possèdent les églises, les conservateurs peuvent difficilement lancer un projet de mise en valeur du patrimoine religieux. Cette initiative doit aussi permettre à l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels et ainsi éviter que ne se multiplient les actes de vandalisme. De nombreuses églises restent d’ailleurs fermées pour protéger le lieu des dégradations. Le rapport propose à cet égard un plan de surveillance, faisant notamment appel au volontariat parmi les jeunes.
Si tous ces dispositifs à venir sont précieux pour la sauvegarde du patrimoine religieux, le meilleur plan de restauration reste l’usage partagé des édifices religieux, rappelle le président de la commission et sénateur (UDI) du Val-de-Marne Laurent Lafon. Une église se dégrade rapidement lorsqu’elle n’est pas ouverte, ventilée et chauffée. « Les églises sont faites pour vivre », souligne-t-il. Une des propositions majeures du rapport est donc l’utilisation partagée de l’église. La Conférence des évêques de France s’inscrit parfaitement dans cette ligne directrice avec la Nuit des églises, une semaine d’été durant laquelle les chapelles et cathédrales accueillent des événements culturels en tout genre. Pierre Ouzoulias prend aussi l’exemple des sorties scolaires : l’ancien historien et archéologue encourage les professeurs à emmener leurs élèves dans des églises pour illustrer des points du programme d’histoire.
Le mouvement de socialisation des églises peut effrayer mais il n’est en rien à confondre avec l’acte de désacralisation, qui n’est « pas souhaitable parce qu’elle est irréversible », explique le sénateur communiste. De plus, tout événement non religieux qui prend place dans une église doit être soumis à l’accord de l’affectataire, c’est-à-dire le prêtre responsable du monument selon le code général de la propriété des personnes qui autorise depuis 2006 l’utilisation des édifices pour des activités non culturelles « compatibles avec l’affectation cultuelle ». L’utilisation partagée est avant tout pensée pour permettre aux habitants de se réapproprier leur patrimoine et leur histoire : « Le patrimoine religieux ne doit pas être exclu de la société », affirme Pierre Ouzoulias. « On ne peut comprendre la société sans comprendre son rapport au culte et au religieux ».