Assiste-t-on à la naissance des gilets jaunes néerlandais ? Depuis le 10 juin, agriculteurs et éleveurs des Pays-Bas manifestent régulièrement dans tout le pays pour protester contre l’annonce par le gouvernement d’un projet visant à réduire drastiquement les émissions d’azote. Le mouvement de contestation, d’abord tâtonnant, est monté crescendo. Ces derniers jours, des tracteurs ont bloqué plusieurs centres de distribution de supermarchés, déclenchant des pénuries dans certaines enseignes. Des agriculteurs ont également forcé un cordon de police devant le domicile de la ministre de l’Environnement, Christianne van der Wal.
Surtout, dans la nuit du 5 au 6 juillet, un rassemblement a dangereusement dégénéré, et des policiers ont ouvert le feu. «Vers 22h30, des conducteurs de tracteurs ont tenté de percuter des agents et des véhicules de service. (…) Une situation menaçante s’est présentée, des coups de semonce ont été tirés, ainsi que des tirs ciblés», a indiqué la police locale sur son compte Twitter. «Un tracteur a été touché. (…) Trois suspects ont été arrêtés. Personne n’a été blessé », a-t-elle ajouté.
La presse belge fait état de huit arrestations dans le cadre de l’enquête. Si les circonstances sont encore incertaines, cet événement démontre la montée en puissance d’un mouvement qui pourrait prendre encore plus d’ampleur dans les prochains jours.
Aux origines de la colère, un vaste projet de réduction des rejets d’azote dans l’air, engagé par le gouvernement sous la pression de la plus haute juridiction administrative du pays. «On parle de réduire les émissions azotées jusqu’à 70% d’ici 2030 dans les zones Natura 2000, protégées par la réglementation», explique au Figaro Alessandra Kirsch, docteur en économie et politique agricole et directrice des études du think-tank Agriculture Stratégies. L’azote prend principalement trois formes : «Le NO2, dans les gaz d’échappement des voitures, le N20, issu des engrais et des effluents d’élevage lors du pâturage et le NH3, qui vient des déjections des animaux», détaille l’ingénieure agronome. Depuis 2019, les limitations de vitesse pour les voitures sont passées de 130 à 100 km/h pour lutter contre le NO2. Désormais, le gouvernement s’attaque au N20, un gaz à effet de serre, et au NH3, l’ammoniac.
Les principaux concernés par ces restrictions se trouvent donc être les agriculteurs et les éleveurs, qui sont pléthores aux Pays-Bas puisque le pays est le deuxième exportateur agricole mondial, derrière les États-Unis. «On y compte 53.000 exploitations, quatre millions de bovins, 12 millions de porcs et 100 millions de poulets sur une toute petite surface agricole de 1,82 million d’hectares», rappelle Alessandra Kirsch. Par conséquent, «l‘élevage contribue pour 40% aux excès azotés» aux Pays-Bas, souligne-t-elle. Au total, l’agriculture est tenue pour responsable de 16% des émissions néerlandaises de gaz à effet de serre, en particulier via les engrais et le purin.