FIGAROVOX/ENTRETIEN – Ce 6 juillet, le Sénat a publié un rapport sur le patrimoine religieux français: près de 5000 édifices religieux seraient menacés de disparition. À cette occasion, Marc Eynaud, auteur de Qui en veut aux catholiques ?, s’interroge sur la place du christianisme en France.
Marc Eynaud est journaliste et auteur de Qui en veut aux catholiques ?, aux éditions Artège.
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Vous revenez minutieusement sur les très nombreuses attaques et dégradations d’églises méconnues, pour leur immense majorité, du grand public. Au-delà des dégâts matériels, ces attaques touchent «à l’intime». Pourquoi ?
Elles touchent à l’intime parce qu’elles dégradent ce qu’il y a de plus précieux chez un individu: sa Foi et sa conscience. Mgr Aupetit l’avait particulièrement bien décrit lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris: aussi terrible soit cette perte pour le patrimoine et la culture du monde, cet édifice n’est rien de moins qu’un écrin protégeant ce qu’il y a de plus précieux pour les catholiques: la Présence Réelle. Je pense qu’une grande partie de l’incompréhension vient de là: lors d’une profanation, la justice va estimer le préjudice en se basant sur la valeur marchande d’un ciboire ou d’un ostensoir. Elle ne saurait prendre en compte une hostie que sous sa valeur marchande à savoir quelques centimes d’euros. Pour le profane c’est anecdotique, pour le catholique c’est l’entièreté de sa Foi qui y était contenue et qui a été volé, profané ou détruit.
Si l’interdit moral qui protégeait les lieux de culte a visiblement volé en éclats, c’est parce que nous voyons émerger des générations totalement acculturées et ignorantes littéralement de pans entiers de son Histoire dont fait partie le catholicisme. Au fond, la seule convergence de luttes que vous verrez chez ces militants c’est tout simplement d’enlever l’Église du centre du village. Mais tout cela au nom du bien, évidemment ! D’ailleurs la sémantique est intéressante: on ne brise pas des statues, on les «déboulonne», on ne détruit pas un peuple, on le «déconstruit». C’est Attila conseillé par un service marketing.
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Vous écrivez qu’à «l’ère de la postmodernité et de l’individu roi, le message catholique est chaque jour un peu plus marginalisé».Le catholicisme, dont la pensée s’inscrit dans la durée, peut-il être en paix avec le monde moderne ?
Le philosophe Nicolas Gomez Davila disait : «Le monde moderne tourne le dos aux catholiques qui eux ne le lui tournent pas». Le problème étant que le monde moderne ne le leur pardonne pas. Le «problème» du catholicisme est d’être une sorte de modèle contre-révolutionnaire universel. Contre le mondialisme, le wokisme, l’islamisme… Ces dernières années, chaque «avancée» sociétale a été un coup porté à l’anthropologie chrétienne, la question n’est en fait pas de savoir si un catholique peut être en paix, la question étant a-t-il conscience qu’il ne vit plus dans une civilisation chrétienne et admet-il que les choix sociétaux posés sont en inadéquation avec la vision de la religion dont il se réclame ? On pourrait couper court à ce débat en constitutionnalisant les racines chrétiennes de la France mais cela reviendrait à faire opérer à la société un virage à 180 degrés. Ce qui serait aujourd’hui presque utopique.
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En quoi l’universalisme des droits de l’Homme, qui a remplacé l’universalisme chrétien, puise-t-il paradoxalement ses valeurs dans le christianisme ?
Lorsque la Révolution décapite le Roi, lieutenant du Christ sur Terre, donc de Dieu, il faut trouver un nouveau centre sur laquelle fonder une morale et l’Homme y revêt une importance toute particulière. Aujourd’hui, l’universalisme des Droits de l’Homme a pris une dimension presque «religieuse». Beaucoup connaissent cette citation de Chesterton : «Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles» mais peu savent que cette citation a été amputée de sa partie la plus importante : «Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules». C’est le drame du monde moderne qui, en s’amputant de la transcendance, en voulant sortir de la chrétienté en tant que civilisation, s’est vaguement raccroché aux «Droits de l’Homme». Or, et c’est tout le paradoxe, en évacuant de ce concept la dimension chrétienne, cet universalisme des Droits de l’Homme est réduit à une vision purement occidentale et idéologique mais surtout boiteuse. Ainsi, la Ligue des Droits de l’Homme milite pour le droit à l’avortement et à l’euthanasie alors même que ces actes contreviennent au premier des droits qui est de vivre. Nous ne sommes plus sur une protection de l’homme de sa conception à sa mort naturelle mais sur la promotion des droits individuels au détriment de l’Homme. En se séparant du christianisme, et au nom de vertus devenues folles on oppose l’individu au droit humain le plus élémentaire: celui de vivre.
Merci à BB.