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Le député socialiste de la 4e circonscription de l’Eure (Nupes), Philippe Brun, exhorte la gauche à ne pas laisser le Rassemblement national récupérer la « question sociale ». Il estime que le PS et LFI ont «la même vision du monde».

Deux faits honorent Philippe Brun. Le jeune député socialiste [sorti de l’ENA en 2019] peut se targuer d’avoir empêché le RN de faire carton plein dans l’Eure – toutes les autres circonscriptions ayant basculé dans l’escarcelle du parti de Marine Le Pen. « C’est un honneur mais aussi un avertissement », prévient-il. En s’emparant de la question sociale, le RN est en train «d”absorber» la gauche, estime-t-il. Aussi invite-t-il ses camarades de la Nupes à ne pas avoir de tabou : il faut parler d’insécurité culturelle, d’immigration, d’identité sociale.

Le deuxième fait relève de l’ordre du symbolique. Son bureau, situé dans l’aile du Palais Bourbon historiquement réservée aux députés socialistes, était occupé par François Mitterrand lorsque l’ex-président socialiste siégeait encore sur les bancs de l’Assemblée. […]

La gauche est-elle crédible sur les questions de sécurité ?

Elle ne l’est pas suffisamment. Nous avons trop longtemps renoncé à parler d’insécurité, comme des sujets d’éducation ou de services publics. Les sujets sociétaux sont importants, mais la gauche doit revenir à son ADN : la question sociale. On sait que les classes populaires sont les premières victimes de l’insécurité. Qu’un grand nombre de nos anciens électeurs aient décidé de basculer au Rassemblement national doit nous interroger et nous inciter à aller à la reconquête des oubliés de notre pays.

Quand dateriez-vous ce basculement du social au sociétal ?

C’est une tendance de long terme qui s’est accélérée durant le quinquennat de François Hollande. Il était, en 2012, le candidat des ouvriers et avait récolté 70 % de leurs suffrages au second tour de l’élection présidentielle. Mais François Hollande a appliqué la note Terra Nova qui préconisait d’abandonner les classes populaires au profit des diplômés des centres-villes et des minorités des quartiers populaires. Or, il a oublié que, si la gauche perd les classes populaires, elle se perd elle-même. On le voit aussi ailleurs en Europe, comme en Italie, où la gauche s’effondre. J’espère que nous sommes en train de nous rendre compte que la gauche disparaît quand elle perd les gens pour lesquels elle est censée se battre. […]

Il ne faut pas renoncer à traiter les sujets d’insécurité culturelle et d’immigration, tout en prenant le soin de séparer ces deux questions. La poussée de l’ultralibéralisme et l’individualisation croissante de notre société créent un vrai sujet d’identité. Il n’y a plus d’identité sociale, plus de fierté d’appartenance à une corporation. On n’a plus de structure familiale : beaucoup de divorces, de séparations et de familles recomposées. Pas ou peu, enfin, d’identité territoriale. En occupant ce vide, le Rassemblement national est en quelque sorte le monstre de cette quête d’identité. C’est le stade suprême de l’édifice individualiste construit depuis 1968. La gauche doit quant à elle être le parti de l’anti-individualisme, reparler de commun, de solidarité, de République, et aussi de patrie. […]

Le problème de la gauche, c’est que son logiciel est absorbé par l’extrême droite. À une foire, dans ma circonscription, une dame m’a dit : « C’est très bien ce que vous dites, mais pourquoi n’allez-vous pas au RN ? » Le Rassemblement national prospère parce que c’est le seul parti à donner une visibilité aux classes populaires. […]

Pour mettre fin à cette tromperie, il faut que nous rendions vivante la promesse jaurésienne d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. Jean-Luc Mélenchon en est capable, car il est philosophiquement socialiste. C’est la raison pour laquelle je crois que les deux grandes forces de la Nupes sont le PS et LFI. Nous nous entendons bien, car nous avons la même vision du monde. […]

Le Point

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