L’arrêté d’expulsion d’Hassan Iquioussen témoigne d’un affaiblissement de l’Etat de droit, et ne résoudra en rien l’islamisme, l’antisémitisme et la misogynie qui fracturent notre société, dénonce un collectif de catholiques dans une tribune au « Monde ».
Jésus ne cesse, dans les Evangiles, de dénoncer les hypocrites : ils se targuent haut et fort de respecter mieux que quiconque la Loi, mais en foulent en réalité l’esprit, c’est-à-dire « la justice, la miséricorde et la fidélité ». « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu’au-dedans ils sont pleins de rapine et d’intempérance. » (Matthieu 23, 25). L’hypocrite non seulement ne respecte pas l’esprit des principes, mais plus encore les distord et les affaiblit.
Comment, lorsqu’on assiste aux gesticulations estivales du ministre de l’intérieur, présentées comme des actions décisives contre l’islamisme, l’antisémitisme et la misogynie, ne pas penser à ces figures du mal social et politique que sont les hypocrites ?
Nous sommes un groupe de catholiques qui croient en la puissance libératrice de l’Evangile au niveau individuel mais aussi collectif, et parlons ici en tant que nous appartenons à une tradition dramatiquement traversée par l’antisémitisme et le patriarcat. C’est depuis cette tradition, qui a tâché depuis un demi-siècle de combattre ces deux maux, que nous mesurons combien il est difficile et déterminant de se remettre en cause sérieusement lorsqu’on a été historiquement dominant, et que l’on s’est identifié à l’idée même de civilisation.
Or, l’expulsion d’Hassan Iquioussen, annoncée par un tweet du ministre de l’intérieur fin juillet au nom de la lutte contre « un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France », a toutes les caractéristiques d’une action hypocrite.
D’une part, elle méconnaît plusieurs principes structurants de notre Etat de droit : le droit, pour tout individu, au respect de sa vie privée et familiale, et le principe de séparation des pouvoirs.
D’autre part, elle s’inscrit dans une rhétorique et une politique racistes, visant les musulmans, qui ne sont nullement en mesure – mais le veut-elle vraiment ? – d’apaiser les divisions qui traversent aujourd’hui la société française.
Hassan Iquioussen, quelque déplaisant qu’il soit – et, par les propos qu’il diffuse, il l’est fortement à nos yeux –, a des droits qui lui sont reconnus en tant qu’étranger, et en particulier en tant qu’étranger résidant depuis plus de vingt ans en France.
[…]Signataires : Gabriel Amieux, travailleur associatif ; Camille Charrière, juriste et professionnelle de la santé et du social ; Guillaume Dezaunay, professeur de philosophie ; Jean-Victor Elie, professeur de philosophie ; Foucauld Giuliani, professeur de philosophie ; Benoît Sibille, doctorant en philosophie ; Anne Waeles, professeure de philosophie, tous membres du collectif Anastasis