«Le mur est infranchissable.» De l’aveu de Dominique Chargé, le président de la Coopération agricole qui regroupe 40 % de l’agro-industrie française, le risque pesant sur la poursuite de l’activité des usines agroalimentaires n’a jamais été aussi fort.
Alors que la sécheresse et la canicule estivales, ainsi que le conflit russo-ukrainien pèsent sur la disponibilité et le prix de nombreuses matières agricoles (légumes, huiles, moutarde, lait…), le choc énergétique a élevé d’un cran la fragilisation des chaînes de production alimentaires de l’Hexagone. Après que les prix de l’électricité et du gaz naturel alimentant les laiteries, sucreries et conserveries tricolores se sont envolés respectivement de 350 % et 380 % en un an, les premiers accrocs dans la filière alimentaire pointent. Mardi, les industriels laitiers ont prévenu: «Le risque est très élevé sur la bonne continuité de la collecte laitière, l’activité des industriels laitiers et par conséquent sur l’approvisionnement des Français en produits laitiers.» […]
Selon la fédération du secteur, certains industriels privilégient désormais la production de beurre ou de poudre, au détriment des activités de déshydratation ou de séchage de lait, très énergivores. Dans les sucreries, la crainte de ces délestages en hiver a amené les sucriers à lancer plus tôt leur campagne de récolte et de traitement des betteraves, quitte à sacrifier les rendements. […]
Dans les légumes de plein champ (haricots verts, petits pois, flageolets…), les récoltes ont fondu jusqu’à 50 % cette année. «Les conserveries qui les transforment et les conditionnent ne reçoivent aujourd’hui que la moitié de leurs besoins», note Dominique Chargé. D’ores et déjà, une partie d’entre elles ne fonctionnent plus que trois jours par semaine. De quoi faire craindre des ruptures en rayon avant les prochaines récoltes de 2023.
Ces derniers jours, le fragile équilibre de la filière s’est tendu encore un peu plus, avec les risques majeurs de rupture sur les engrais, pour la prochaine campagne agricole. À l’arrêt pour 50 % d’entre elles, les usines européennes de ces fertilisants ont ainsi très fortement limité leur production d’ammoniac au vu des prix prohibitifs du gaz. Ce qui fait planer des risques de pénuries pour l’hiver prochain.
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