26/09/2022
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Mais en réalité, ce que le ministre souligne, ce n’est pas «le degré de nuance d’un débat impossible» – ce serait une ineptie; non, en réalité, il déplore l’absence de la question raciale des programmes eux-mêmes comme objet d’enseignement. Il révèle à cette occasion le racisme sous-jacent à l’idée du communautarisme indigéniste. «Les organisations d’extrême-droite sont puissantes» est une belle antiphrase qui détourne l’attention: sans cela, qui ne verrait pas que l’extrême-droite est tellement puissante que le gouvernement y choisit ses ministres ?
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Pourquoi Pap Ndiaye fait-il ce discours aux États-Unis?
La critique de la laïcité et de l’universalisme républicain, dans la bouche d’un ministre de l’Éducation nationale en représentation à l’étranger devant un public américain, est stupéfiante. La rhétorique choisie par le ministre emprunte ses éléments aux pires opposants de la République française aux États-Unis (le New York Times, le Washington Post). Il s’agit d’éléments de langage bien rodés: la France est raciste, la laïcité est raciste, les émeutes de 2005 sont la preuve du racisme systémique du pays, etc. On oublie un peu vite que pendant que les États-Unis faisaient de la ségrégation raciale un élément constitutif de leur société, Gaston Monnerville était élu Président du Sénat. Il ne faut donc pas lire dans les propos du ministre une quelconque critique adressée à la République: il semble ne pas la connaître. Pap Ndiaye, rappelons-le, a fait de brillantes études en France, et se posait il y a encore peu en modèle de réussite républicaine. La période de sa vie professionnelle passée aux Etats-Unis lui a vraisemblablement fait découvrir là-bas ce qu’il nomme lui-même «la question noire», et le voilà aujourd’hui convaincu qu’il faut changer en France ce qui lui a permis de réussir. Il faut en revanche voir dans ces propos une allégeance ostentatoire, opportuniste, au modèle communautariste américain. Or, la France n’est pas un petit pays d’une lointaine province de l’Empire: il suffit de se souvenir que les citoyens français, quelle que soit leur origine – foi de Salvador – sont citoyens d’une République qui a plus d’une raison d’être fière. Cette fierté est offerte en partage à tous ceux qui le souhaitent: c’est la force et la générosité du peuple français, dans toute sa complexité.
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21/09/2022
En France, il est difficile de parler «de questions ethno-raciales de manière nuancée», a regretté le ministre français de l’Éducation Pap Ndiaye, lors d’une allocution dans une université historiquement noire de Washington.
Dans une université américaine, @PapNdiaye déclare:
— David Dobsky (@dobsky33) September 21, 2022
“le concept de race est encore très sensible en France dans un contexte politique où les organisations d’extrême droite sont importantes…il est difficile d’aborder les questions ethno-raciales de manière nuancée” pic.twitter.com/IvruRUX5Nb
Face à un panel d’étudiants majoritairement afro-américains, le ministre, en visite aux États-Unis en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, a repris ses habits d’universitaire, décrivant les différences entre la France et les États-Unis en matière de lutte contre le racisme. «L’État français est officiellement indifférent à la couleur de peau», a rappelé cet historien, spécialiste des minorités américaines, qui est lui-même de père sénégalais et de mère française. «C’est une belle idée, bien sûr (…) mais la réalité impose une approche plus concrète», a-t-il poursuivi en relevant, dans un anglais courant, que «les inégalités, les discriminations et différentes formes de racisme existent en France».
«Parfois considéré comme trop américain en France»
Pour s’y attaquer «efficacement» dans le monde de l’éducation, il faut «identifier les quartiers les plus pauvres et investir davantage dans leurs écoles», a-t-il estimé. Cette réponse «met clairement l’accent sur les inégalités sociales» parce que «le concept de race reste très sensible en France», a-t-il relevé, face à des étudiants habitués à l’inverse aux politiques ciblées sur la base de statistiques ethniques. Une pratique impensable en France, où «les organisations d’extrême droite sont puissantes actuellement» et où il est, selon lui, «difficile d’affronter de manière nuancée les questions ethno-raciales». «Je peux attester du prix à payer quand on ose en parler», a poursuivi le ministre, qui a été accusé par le Rassemblement national d’être «un militant racialiste». Mais, a-t-il assuré, «cela ne nous empêchera pas de travailler activement pour développer une culture plus inclusive dans nos écoles, pour que personne ne s’y sente exclu à cause de son genre ou de sa couleur de peau».