Sur le réseau TikTok, des centaines d’adolescentes mettent en scène leur volonté de porter le voile dans leur collège ou leur lycée, ou encouragent d’autres à se voiler. Une mode qui inquiète les services de prévention de la radicalisation.
Leia est au lycée. Comme des centaines de milliers d’adolescents, elle est aussi active sur le réseau TikTok. Elle y a même une certaine notoriété, avec 57 000 abonnés et 2 millions de « j’aime ». Dans les courts clips vidéo qui font le succès de cette application d’origine chinoise, qui rivalise aujourd’hui avec Instagram, elle fait du playback sur des chansons de rap français ou partage ses « outfits », ses vêtements du jour. A une différence : Leia n’apparaît que voilée.
Un choix qu’elle revendique fièrement, sourire aux lèvres. « Le retour des embrouilles avec le CPE [conseiller principal d’éducation] à cause du “torchon sur ma tête” », écrit-elle en guise de légende à un clip du 31 août. Dans un autre, elle se réjouit de « voir [ses] copines se voiler une par une », ou salue « les gars qui baissent le regard quand on retire nos voiles devant le lycée », sur les paroles d’une chanson du rappeur Gazo, Assagis.
On trouve sans peine des centaines, sinon des milliers, de clips du même acabit, réalisés par des adolescentes de 13, 14, 15, 16 ans. Le #voile compte 447 millions de vues sur la plate-forme, et décline les mêmes encouragements à porter le voile et la même incompréhension devant le refus des établissements, le plus souvent sur fond d’extraits de chansons rap – aux paroles parfois bien éloignées de la piété musulmane. Difficile d’y lire de l’animosité : de nombreux clips montrent des filles voilées aux côtés d’amies qui ne le sont pas, ou des adolescentes non musulmanes témoignant de leur tristesse devant la vision de leurs camarades qui enlèvent leur voile avant d’entrer au lycée.
« Baisse le regard en leur présence »
Dans un message visionné 403 000 fois, deux adolescentes en voile et abaya dansent, sourire aux lèvres. La légende : « On a réussi à mettre un pied au lycée avec le voile. » D’autres saluent une surveillante qui ferme les yeux, une troisième fait la démonstration de son abaya, qui est « trop bien parce qu’[elle] peut mettre la ceinture ou non. Du coup, genre pour celles qui vont en cours ou travailler, c’est trop bien, ils ne peuvent rien [nous] dire ».
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