“C’est le dernier avertissement! Arrêtez-vous“: au large de la Tunisie, les garde-côtes interceptent à l’aube une énième embarcation de migrants clandestins, déjouant leur tentative d’atteindre l’Europe. Mais pour ses passagers, ce n’est que partie remise. Partis de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, en direction des côtes italiennes, les migrants équipés de bouées noires ont obtempéré à contrecœur aux ordres des gendarmes maritimes, qu’une équipe de l’AFP a accompagnés à bord de leur patrouilleur, Aigle 35.
Mais à peine ramenés au port, ces migrants ont été relâchés sur ordre du procureur général de Sfax. “Nous sommes dans un cercle vicieux. Nous déployons des moyens et des efforts énormes pour arrêter ces migrants seulement pour qu’ils soient relâchés, puis nous les retrouverons lors d’autres tentatives“, déplore le commandant de bord du patrouilleur, le colonel major Brahim Fahmi.
“Je ne veux pas rester en Tunisie, la vie ici est difficile“, sanglote Fatim, une Ivoirienne de 18 ans, en montant à bord du patrouilleur avec 25 autres migrants interceptés. Elle affirme avoir travaillé comme femme de ménage pendant un an à Tunis pour économiser les 4.000 dinars (1.250 euros) payés aux passeurs. Idia Sow, une Guinéenne de 26 ans souffrant des séquelles d’un AVC, faisait partie d’un autre groupe intercepté dans un bateau pneumatique. Elle affirme avoir déboursé l’équivalent de 1.500 euros pour rejoindre les côtes italiennes avec son bébé de trois mois.
Rien que dans la nuit de lundi à mardi, pas moins de 130 migrants, tous originaires d’Afrique subsaharienne parmi lesquels des enfants, ont participé à quatre traversées déjouées au large de Sfax, principal point de départ des migrants en Tunisie. La majorité des migrants interceptés rencontrés par l’AFP ont en effet reconnu qu’ils feraient une autre tentative. “Si je trouve un bateau maintenant je partirai tout de suite, je n’abandonnerai jamais“, dit Ali, un Guinéen de 20 ans.
Quelques heures avant l’interception en mer, des gendarmes ont dispersé plus d’une centaine de migrants rassemblés à Hmayazia, une localité côtière à une trentaine de km de Sfax où ils attendaient depuis deux semaines des embarcations censées les transporter vers l’Italie, selon des témoignages recueillis par l’AFP. Matraque ou arme de poing à la main, les gendarmes ont contraint les migrants à quitter les lieux, a constaté l’AFP. […]
Une industrie de fabrication clandestine de bateaux s’est développée dans la ville de Sfax, contribuant à faire augmenter le nombre de passeurs qui s’y activent. La Tunisie, en proie à une grave crise socio-économique et politique, a enregistré ces derniers mois une forte hausse de l’émigration clandestine, avec des familles entières et des cadres cherchant à partir et non plus de jeunes chômeurs seulement.
Selon les dernières statistiques officielles, plus de 22.500 migrants ont été interceptés au large des côtes tunisiennes depuis le début de l’année, dont environ 11.000 sont originaires d’Afrique subsaharienne. Durant la même période, 536 organisateurs et passeurs parmi lesquels 21 étrangers ont été arrêtés. […]