Nous sommes en février 2022 dans les couloirs du métro de Washington D. C. Le New York Times, le plus grand des journaux des États-Unis, déploie sa nouvelle campagne publicitaire où certains de leurs lecteurs sont mis à l’honneur en y exprimant leurs centres d’intérêt et aspirations. L’une d’entre eux, une certaine Lianna, y apparaît avec comme slogan: «Lianna imagine Harry Potter sans sa créatrice.» (…) En assumant de sélectionner le souhait de cette lectrice et d’en faire une bannière publicitaire vue par des milliers de personnes (5,2 millions sur YouTube), le New York Times produit la manifestation physique d’une guérilla numérique livrée depuis plus de quatre ans à l’encontre de Rowling. Cette guérilla, qui a été jusqu’à colporter en 2020 le slogan #RIPJKRowling (soit «Repose en paix J.K. Rowling, supposant ainsi la mort de l’auteur), est menée dans un seul but: faire de la romancière une victime de cette culture de l’annulation qui consiste à ruiner la carrière d’un individu pour des propos jugés haineux à l’aune des critères de la bienséance inclusive. Mais malgré les efforts de ces nouveaux zélotes, celle qui a su construire un empire littéraire en permettant à des millions d’enfants à travers le monde de découvrir le plaisir de la lecture ne s’est jamais dérobée face à eux.
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Près de cinq ans après le début de cette affaire, qu’en est-il ? Son dernier roman, The Ink Black Heart, publié sous son pseudonyme Robert Galbraith, a caracolé en tête des ventes au Royaume-Uni avec plus de 50.000 exemplaires vendus en une semaine selon BookSeller.com. Contactée par nos soins, la maison d’édition de Galbraith/Rowling n’a pas été en mesure de nous communiquer des chiffres plus récents. Selon le site internet d’analyse du marché du livre NPD Bookscan, l’ensemble des livres de J. K. Rowling se sont écoulés à plus de 3,6 millions d’exemplaires aux États-Unis entre avril 2021 et mars 2022 – une augmentation de 9,3% par rapport à la même période un an auparavant, comme le rapport le site du pure-player IndieWire.
Si côté cinéma le dernier volet des Animaux fantastiques accuse un coup dans l’aile sur son résultat au box-office (400 millions de recettes pour un budget de 200 millions de dollars), les huit films adaptés de l’heptalogie originelle continuent d’être une valeur sûre pour les plateformes de streaming: disponibles sur Netflix il y a quelques semaines, ils sont désormais sur Salto. TF1, lui, en diffusera deux en prime time le 23 et 26 octobre prochains, en pleines vacances scolaires. Certains vont même jusqu’à braver l’omerta et à lui apporter son soutien – comme le comédien Dave Chappelle ou, plus récemment, l’acteur Tom Felton (interprète de Drago Malefoy dans les films Harry Potter) qui a refusé de se joindre à la meute dans une interview donnée au Times où il préfère rappeler que «personne n’a autant apporté de joie à autant de générations et de milieux différents.» N’en déplaise à ses détracteurs, J. K. Rowling n’a donc pas été «cancel», loin de là. Sur Twitter, où elle profite d’une audience de 14 millions d’abonnés, l’écrivain s’est même mué en l’un des fers de lance de la lutte contre les nouvelles idéologies trans et dénonce régulièrement les abus et les dangers de celles-ci – notamment pour les jeunes enfants que l’on guide trop rapidement vers la transition de sexe pour pallier leur mal-être adolescent.
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