Dimanche, cela fera deux ans que le professeur Samuel Paty a été décapité … Des hommages lui seront rendus dès demain dans les établissements scolaires.
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Il y a deux ans, on a décapité un professeur. Un de ceux qui chaque matin, s’en vont, avec leur salaire chiche et leur écharpe nouée, accomplir le miracle de l’instruction et de l’esprit citrique. Alors comme beaucoup, j’ai voulu croire qu’après cet électrochoc rien ne serait comme avant. Que les terroristes et que les islamistes, qui veulent imposer leurs normes et faire taire les professeurs, avaient touché au totem absolu. Nous étions très nombreux à nous dire : « cette fois, les choses vont changer ».
Et cet espoir est déçu ?
Il faut dire que c’était un peu naïf de penser ainsi : les choses ne changent pas toutes seules, « par électrochoc ». Chacun se tourne vers les autres. Dont on attend beaucoup, et pas assez de soi-même. On attend bien sur – et c’est normal – que l’Etat et son administration arrêtent avec cet effroyable « pas de vague » et se mettent en ordre de bataille pour soutenir ses professeurs intimidés. On attend que les professeurs continuent, malgré la trouille et les menaces, d’enseigner la laïcité, la liberté d’expression, la shoah et Darwin. D’accord. Mais qu’attend-on de nous-même ? Nous, les parents d’élèves, les simples citoyens ? Ceux qui parfois se disent ah oui mais mieux vaut ne pas trop parler de ces questions-là. C’est un coup à se mettre les gens à dos. Un coup à attirer l’attention. Glissons. Passons. Il y aura bien des ministres, des recteurs, des profs, des politiques, des militants ou des intellectuels pour s’en occuper. Cela peut se comprendre : ces choses sont intimidantes. Mais c’est précisément sur cette aspiration à la tranquillité que les plus vindicatifs avancent.
Nous avons un trésor à chérir et un modèle à défendre. Par l’éducation de nos enfants, par la clarté de nos paroles, par la solidarité de nos comportements. J’ajouterais que le renoncement n’a jamais rien protégé ni personne, et qu’il ne construit pas l’avenir. Dans sa classe, Samuel Paty, lui, construisait l’avenir. Quand les choses se sont précipitées, il avait peur et il était seul. Le serait-il moins aujourd’hui ?