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Et comme tous les chemins mènent à Rome, tous les discours mènent à la dénonciation de l’extrême droite, comme si l’idéologie dominante était à ce point enfermée dans cette dénonciation rituelle qu’elle ne savait pas réagir autrement. En une semaine, l’histoire principale s’est inversée. Elle concernait d’abord Lola, elle concerne finalement cette puissance malveillante que serait le populisme identitaire, discours de hyène faisant scandale de tout malheur pour abattre la République. L’histoire de Lola aura réactivé l’antifascisme carnavalesque des tartufes : la véritable récupération politique n’était-elle pas là ? Quant à l’accusation de récupération, n’est-elle pas l’autre nom d’un monopole revendiqué par la plus grande part du système médiatique sur l’interprétation légitime des phénomènes sociaux ?
On s’est vite demandé toutefois à partir de quels critères on peut distinguer une colère populaire légitime d’une autre qu’on doit refouler. Ainsi, il était indécent d’exposer sur les réseaux sociaux le visage de Lola. Mais ceux qui disaient cela étaient souvent les mêmes à avoir diffusé, il y a quelques années, la photo du petit Aylan. De même, il était, nous disait-on, ignoble de manifester pour la mémoire de Lola. Mais pourquoi n’était-ce pas le cas, il y a deux ans, après l’affaire George Floyd, qui a conduit aux émeutes ethniques sous la bannière de Black Lives Matter ? Quel est le mécanisme derrière ces indignations sélectives ? On comprend qu’un principe inavouable mais bien réel structure la vie publique. Si la victime peut être considérée comme appartenant aux catégories historiquement « discriminées » par la civilisation occidentale, on y verra un fait sociologique avec une dimension systémique. On parle ici des « minorités ». Mais si la victime appartient à ce que la sociologie diversitaire associe au groupe majoritaire, il ne faudra y voir qu’un fait divers qui d’aucune manière ne devrait remanier la trame de fond du débat public et nous amener à nous mobiliser, pour qu’une telle histoire n’arrive plus ou, en tout cas, le moins souvent possible.
De cette semaine éprouvante, on retiendra une leçon : le système médiatique conserve une capacité exceptionnelle de manipulation de l’opinion et sait la retourner sans trop d’efforts, en jouant sur le registre de l’intimidation. Le récit médiatique dominant embrouille le rapport au monde au point de le falsifier, et condamne chacun à faire un effort immense pour décrypter le sens des événements, en se délivrant de la tutelle de la nouvelle Pravda .
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