Surmortalité liée au Covid-19, crise des opioïdes et maladies cardio-vasculaires participent à la chute de cet indicateur révélateur de l’état de santé des Américains.
« Historique », « horrible », « effrayante »… Les démographes peinent à trouver le meilleur qualificatif pour désigner la chute de l’espérance de vie aux Etats-Unis, qui s’aggrave depuis deux ans, sous les effets combinés du Covid-19 et de facteurs structurants de la société américaine. L’annonce, fin août, par l’agence américaine pour la santé des Centers for Disease Control (CDC), d’une perte d’espérance de vie de près d’un an entre 2020 et 2021 n’est certes pas une surprise totale, puisque la population américaine perd régulièrement quelques mois d’espérance de vie tous les ans depuis 2014. Mais les démographes n’en restent pas moins surpris par l’ampleur du phénomène. « Cette baisse de 77 à 76,1 ans a porté l’espérance de vie à la naissance aux Etats-Unis à son plus bas niveau depuis 1996 », écrivent les CDC. Plus alarmant encore, il s’agit de la deuxième baisse en deux ans, puisque 2020 avait déjà enregistré une chute de 1,8 an. Un déclin de 2,7 ans en deux ans, donc, ce qui constitue la plus forte baisse de cet indicateur depuis les années 1920.
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Comment expliquer une telle surmortalité ? Tout d’abord, l’état de santé général de la population, dont un tiers souffre d’obésité et 10 % de diabète – des comorbidités rendant particulièrement vulnérable face au Covid-19. Ensuite, l’absence de système de protection sociale, qui entraîne des retards dans les soins primaires et la difficulté à négocier des conditions de travail (comme le télétravail pendant la pandémie). Mais la tendance existait déjà avant la pandémie. Décès liés aux drogues et à l’alcool, suicides et maladies cardiométaboliques (diabète, obésité, cardiopathie hypertensive, par exemple) participent depuis des années à la hausse de la mortalité chez les adultes en âge de travailler (25-64 ans). (…) Par ailleurs, « l’augmentation de la mortalité est liée au ralentissement des progrès de la lutte contre les maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité aux Etats-Unis », explique Magali Barbieri. « Cette tendance s’observe dans d’autres pays, mais elle est très marquée aux Etats-Unis, y compris chez les jeunes, en lien avec l’obésité, mais aussi le Covid-19 », ajoute la démographe, qui dirige, à l’Université de Californie, une base de données internationale sur la mortalité, la Human Mortality Database. (…) En particulier, les inégalités se sont creusées avec les minorités. « Les taux de mortalité ont augmenté de manière disproportionnée notamment les hispaniques et les Noirs américains, mais le rapport des CDC souligne l’impact horrible sur la population amérindienne, qui a connu une baisse de 6,6 ans de son espérance de vie, entre 2019 et 2021 », s’alarme Steven Woolf.
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Le Monde
Merci à Juliette.