Quatorze Etats membres de l’Union européenne ont récemment alerté l’Agence européenne pour l’asile (AUEA) de l’arrivée d’importants flux de migrants, en majorité depuis la Serbie. Ils espéraient que, malgré la focalisation sur la crise de l’énergie, le dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, les 20 et 21 octobre, serait l’occasion d’évoquer aussi ce qu’un diplomate belge décrit comme « une crise d’un nouveau type » parce que, contrairement aux précédentes (lors de la guerre en Syrie ou du conflit en Ukraine), elle ne semble liée à aucun événement particulier, hormis peut-être les conséquences du retour au pouvoir des talibans en Afghanistan. Sur les sept premiers mois de 2022, l’AUEA a recensé quelque 480 000 demandes d’asile, soit une hausse de 60 % en un an.
Les 27 dirigeants n’ont pas eu le temps ou la volonté, d’approfondir cette question. Et n’ont pas eu vent de ce qui se déroulait à quelques kilomètres du Conseil européen où ils étaient réunis. Pourtant, la capitale belge affronte, depuis des semaines, une crise humanitaire qui est sans doute la plus grave qu’elle ait connue.
Fedasil, l’organisme fédéral qui gère les demandes, dispose d’un réseau de 32 000 places, toutes occupées désormais. Depuis la mi-octobre, ses membres tentent donc, en payant des nuits d’hôtel (une pratique qui va contre ses principes et risque, selon ses responsables, d’attirer de nouveaux arrivants) et en appelant à la rescousse les associations et des « citoyens hébergeurs », de parer au plus pressé. Cela ne suffit plus : Bruxelles a découvert, et c’est une première, que des adolescents non accompagnés, des femmes et des familles avec de jeunes enfants étaient désormais contraints de dormir dans la rue. Comme au moins un millier d’hommes, selon les estimations des associations qui œuvrent en première ligne.
« Les membres de Fedasil sont tout autant dépités que nous », commente Amélie Deprez, coordinatrice régionale pour Médecins du monde, l’organisation qui participe au « hub humanitaire » de Bruxelles avec la Croix-Rouge, le SAMU social, la Plate-forme citoyenne, Médecins sans frontières et d’autres groupements citoyens. Les membres de Fedasil sont tenus d’héberger les demandeurs d’asile en l’attente de l’examen de leur demande, mais ils n’y parviennent plus en raison d’un engorgement du système. Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA), chargé d’examiner chaque demande, est, lui aussi, débordé. […]