GRAND ENTRETIEN – L’absence de confiance dans l’exécutif pour maîtriser les flux migratoires est si forte qu’un geste de secours n’est plus interprété comme tel et n’est plus accepté, souligne l’intellectuel.
Dominique REYNIÉ.- (…) De plus, l’appel à l’impératif moral s’accompagne trop souvent de la mise en cause du pays d’accueil, accusé d’égoïsme, sans considérer suffisamment le rôle ambigu des ONG, celui des passeurs au comportement sordide ou le jeu cynique des États qui utilisent la détresse des migrants comme une arme de chantage et un instrument de pression.
J’ajoute que, dans nos démocraties où progresse l’idée que voter ne sert à rien, il est paradoxal de faire la leçon à un gouvernement voisin, membre de l’Union européenne, en lui reprochant de respecter ses engagements auprès de ses citoyens.
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Et ce d’autant plus qu’en matière d’immigration la demande de fermeté déborde le clivage gauche-droite. Ainsi, dans le cas de la France, lors de la dernière campagne pour l’élection présidentielle, une étude de Fondapol montre que si 75 % des électeurs de droite estiment que «la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et (que) cela pose des problèmes de cohabitation», ils sont tout de même 39 % à gauche à répondre de la même façon.
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Dans Pour un empire européen, Ulrich Beck et Edgar Grande rappellent une évidence logique: il est impossible d’accueillir si l’on ne peut pas refuser l’entrée. Ouvrir les frontières implique de pouvoir fermer les frontières. La tension entre le devoir humanitaire et le devoir de fermeté ne se résoudra pas en alternant l’un et l’autre ; très différemment, c’est dans la fermeté que réside la possibilité de décisions humanitaires.
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