Les dernières investigations sur son assassinat, le 16 octobre 2020, font apparaître la solitude et la peur de l’enseignant de Conflans-Sainte-Honorine livré à la vindicte islamiste. Ses changements de comportement et ses recherches Internet en attestent.
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Le collège est alors assailli de menaces. « J’ai reçu des appels du monde entier, Canada, Maroc, États-Unis et d’autres qui avaient entendu ce qui s’était passé au collège », a raconté aux enquêteurs l’agente d’accueil du collège du Bois d’Aulne, en charge de la sécurité, lors de son audition le 29 septembre 2022, se souvenant de propos violents appelant « tous les musulmans du monde à marcher et cracher sur le collège tant que le professeur n’est pas révoqué ».
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Le 10 octobre, Samuel Paty écrit par e-mail à ses collègues qu’il est « menacé par des islamistes locaux ». « Je suis athée et pas baptisé !!! » se sent-il obligé de justifier face aux sous-entendus d’islamophobie émis par deux enseignants qui se désolidarisent de son cours.
De son côté, la principale du collège alerte les autorités — police et rectorat — sur les tensions au sein de son établissement, mais l’enseignant ne bénéficiera d’aucune protection particulière.
Pourtant, les investigations révèlent que Samuel Paty se sent traqué. Alors qu’il a pour habitude de rentrer à pied à son domicile, situé à moins de 2 km sur la commune voisine d’Éragny, il demande à deux collègues de le raccompagner en voiture les quatre jours précédant son assassinat.
« Je ne le reconnaissais pas, a témoigné ce dernier devant les policiers. Il avait clairement peur. Il était emmitouflé (…), il cachait son visage. Il m’a dit de ne pas le déposer devant chez lui. (…) Il n’a pas parlé durant le trajet, il était renfermé. »
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Le 16 octobre, jour de l’attentat, Samuel Paty déjeune avec son collègue dans la salle des profs et sollicite une nouvelle fois d’être ramené à la fin de la journée. « J’ai dû lui dire non par rapport à mon emploi du temps, a expliqué le professeur de maths lors de son audition à la Sdat. [Samuel Paty] était très tendu ce jour-là. Il tournait en rond dans la salle des profs. Je pense qu’il ne s’était pas lavé, il avait une barbe naissante alors qu’à son habitude, il était rasé de près. »
Peu après 16h45, Samuel Paty quitte finalement le collège du Bois-d’Aulne à pied pour rentrer chez lui. Sur les images des caméras de vidéoprotection analysées par les enquêteurs, on voit l’enseignant rabattre la capuche de son manteau sur la tête dès sa sortie de l’établissement. « Possiblement pour se dissimuler », écrivent les policiers dans leur rapport.
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Triste symbole du sentiment d’insécurité et de solitude de Samuel Paty, les enquêteurs vont découvrir un marteau, avec des taches rougeâtres sur le manche, dans le sac à dos de l’enseignant assassiné. Or, durant l’enquête, aucun membre du collège n’a fait état de travaux pouvant justifier la présence de cet objet avec la victime.
Le soir du meurtre, devant la rectrice d’académie, l’agente de sécurité du collège du Bois-d’Aulne dit avoir laissé éclater sa frustration : « Je lui ai demandé pourquoi personne ne l’avait protégé. Ma colère est sortie… »