25/11/2022
Au sein de l’équipe, certains avaient eu vent dès les auditions d’accusations de violences sexuelles visant l’acteur Sofiane Bennacer. Des techniciens et alternants racontent l’omerta sur le plateau.
Le temps de quelques minutes, l’omerta vole en éclats. Lundi 5 juillet 2021 au petit matin, Margot (1) découvre des lettres tapissées sur la Maison des arts de Créteil. Pendant la nuit, des militantes féministes ont collé des messages sur les abords du théâtre, occupé par le tournage du film les Amandiers. «Production complice» sur un camion ou «un loup dans la bergerie» dans les escaliers… Sur les façades du bâtiment, d’autres phrases en lettres noires sur papier blanc : «Une plainte en cours ils n’en ont cure.» Puis un message nominatif : «Sofiane Bennacer acteur-violeur.» Les mots ciblent le jeune acteur qui incarne le premier rôle masculin du nouveau long métrage de Valeria Bruni-Tedeschi, les colleuses ayant appris qu’il est visé par une plainte pour viol déposée en février 2021 par une ex-petite-amie, Romane (1).
Margot sait immédiatement à quoi ils font allusion. La technicienne de 26 ans a découvert les accusations à l’égard du comédien quand elle a commencé à travailler sur le tournage, en juin 2021. Discrètement, elle prend une photo des collages avec son smartphone. Très vite, la régie décolle les lettres des décors, mais Margot se sent soulagée : «Le monde extérieur nous voyait d’un coup, alors qu’on avait l’impression d’être enfermés dans ce secret dont il ne fallait pas parler.» Valeria Bruni-Tedeschi réunit l’équipe du film et se lance dans un discours pour défendre son acteur, absent, parlant de «présomption d’innocence». Margot ne l’écoute que d’une oreille. Pour elle, trois mots résument cette scène : «Une honte absolue.»
Pendant huit mois, Libération a plongé dans les coulisses du long métrage, interrogeant une trentaine de personnes dont une quinzaine de professionnels sur le tournage. Nombre d’entre eux accusent la production et Valeria Bruni-Tedeschi d’avoir «protégé» Sofiane Bennacer en connaissance de cause.
[…]«Elle nous a dit qu’il ne fallait pas que Sofiane sente que l’équipe était au courant ou que ça change nos comportements, ajoute Elise. C’était une bonne claque dans la gueule de voir comment les choses se passent dans ce milieu-là.»
Coline tente le tout pour le tout. Ne supportant pas l’omerta, elle pense organiser une grève sur le tournage mais se rabat sur une réunion avec les actrices. Une seule osera se présenter. La coupe est pleine. Coline finit par quitter le plateau. Elle lâchera même complètement le cinéma : «Je préfère être au chômage que bosser pour des personnes comme ça.» Louise (1), stagiaire de 22 ans au montage, va suivre la même trajectoire : elle démissionne après un mois, même si elle sait que sa décision signe probablement la fin de sa carrière dans le cinéma.
Deux démissions puis le silence. Sur le plateau, le sujet Bennacer passe en sourdine. Le tournage se poursuit sans encombre jusqu’au jour des collages féministes. Mais, malgré les accusations qu’il nie en bloc, le «coup de cœur» de Valeria Bruni-Tedeschi, comme on dit autour d’elle, reste en place. La réalisatrice «souhaitait absolument travailler avec lui», raconte Matthieu (1), technicien quadragénaire. Sur le plateau, ne subsistent que des chuchotements entre collègues.
[…]Étoile montante du cinéma et compagnon de Valeria Bruni-Tedeschi, le comédien Sofiane Bennacer, mis en examen pour viols et violences sur des ex-conjointes a été retiré de la liste des 32 Révélations des César…
23/11/2022
Sofiane Bennacer, 25 ans, a été mis en examen en octobre par une juge d’instruction de Mulhouse à la suite d’accusations de quatre ex-compagnes dont des comédiennes.
Il est l’un des 32 nouveaux visages sélectionnés par le Comité de l’Académie des Césars. Sofiane Bennacer, l’un des rôles principaux du film « Les Amandiers » de Valeria Bruni-Tedeschi, actuellement en salle, a été choisi jeudi dernier par le cinéma français. Pourtant la séance a été houleuse. Les dix-huit directeurs de casting présents se sont disputés sur son cas. Depuis plusieurs mois, des rumeurs d’agressions sexuelles planaient autour du jeune homme. Faisant fi des doutes, ils ont retenu sa candidature au risque d’apparaître imprudents. Cette distinction n’est pas mince, elle ouvre de nombreuses opportunités, notamment cette année le tournage d’un court métrage avec la réalisatrice star Audrey Diwan, et offre une possible nomination aux Césars.
Las ! L’affaire semble plus problématique encore que ce que craignait l’Académie. L’acteur, âgé de 25 ans, a été mis en examen en octobre dernier pour viols et violences sur conjoint par un juge de Mulhouse (Haut-Rhin) et placé sous contrôle judiciaire. Ce qu’Edwidge Roux-Morizot, la procureure la République de Mulhouse a confirmé au Parisien.
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