TÉMOIGNAGES – L’État propose actuellement de rendre les armes non déclarées, provenant d’un héritage. Certains s’y opposent par méfiance. D’autres, pour ne pas briser une tradition familiale.
Certaines prennent la poussière dans un carton au grenier, d’autres trônent au-dessus de la cheminée du salon… Depuis vendredi et jusqu’au 2 décembre, le ministère de l’Intérieur a lancé une opération «d’abandon simplifié d’armes à l’État» afin de récupérer ou d’enregistrer les armes non déclarées conservées dans les foyers français. Au-delà des cinq millions de détenteurs d’armes légaux, le pays compte entre cinq et six millions d’armes héritées ou trouvées non déclarées, selon des estimations du ministère de l’Intérieur. Durant cette semaine, les volontaires peuvent déposer armes à feu, armes de poing, armes blanches ou petites munitions dans l’un des 300 «armodromes» provisoires et ce, sans risquer de poursuites. Déjà 21.000 armes et près de 600.000 munitions ont été abandonnées, s’est félicité Gérald Darmanin dimanche, ajoutant que 5500 armes avaient quant à elles été enregistrées. Mais cette opération est loin de séduire tous les concernés et suscite parfois interrogation et méfiance. Le Figaro est allé à la rencontre de ces propriétaires réticents.
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Qu’importe pour Simon, qui ne tient de toute façon pas à déclarer les pistolets de son père. «Plus on donne d’informations, plus on est dans l’œil des autorités.» Cette méfiance de l’État est aussi partagée par Philippe, autre propriétaire d’armes à feu interrogé par Le Figaro. Ce septuagénaire chasseur en Saône-et-Loire est détenteur d’une quinzaine de fusils de chasse déclarés et de deux autres armes qui, elles, ne sont pas connues par l’État. La première est un fusil «un peu vétuste qui nécessiterait peut-être des réparations». La seconde un pistolet automatique datant de la Seconde guerre mondiale «rouillé, mais qui fonctionne».
Déjà refroidi par les multiples procédures administratives, Philippe affiche son opposition à toute forme de «flicage». «Les Français en ont assez d’être fliqués partout, flashés partout, enregistrés partout», soupire-t-il. Le chasseur ne fait guère confiance au Système d’information sur les armes (SIA), une plateforme numérique sur laquelle tous les détenteurs d’arme à feu devront être déclarés d’ici le 1er juillet 2023. Philippe n’hésite pas à dénoncer «l’hypocrisie» de l’actuelle opération d’abandon d’armes, présentée à tort, selon lui, comme «utile à l’ordre public». «On emmerde les honnêtes gens mais les trafiquants, les délinquants et les truands en tout genre ne vont pas abandonner leurs kalachs, s’agace le septuagénaire. Donc moi je ne vais pas déclarer les miennes.» Plus mesuré, Jean-Pierre estime aussi que son arme pourrait, en dernier recours, servir en cas de danger. «Le hasard m’a mis cette arme entre les mains, je vais la garder.»