Rattrapés par les verdicts électoraux, les politiques ne font plus l’autruche sur la question migratoire. L’échec de l’intégration, lui, reste sous le tapis.
Elle avait raison. Sa carrière n’y a pas survécu. Dans les années 1990, Michèle Tribalat, démographe française respectée, s’attaque, pour l’Institut national d’études démographiques, au sujet de l’immigration. Elle n’imagine pas alors le déferlement de réactions que son travail va provoquer. Ses analyses, réalisées à partir des chiffres bruts de l’immigration et d’une classification rigoureuse des catégories qui la composent, ont le malheur d’entrer en contradiction avec les projections communément admises par ses confrères. Dans un article publié en 1997, « Une surprenante réécriture de l’histoire », la chercheuse cible nommément l’un d’eux, Hervé Le Bras, en démontrant les biais méthodologiques systématiques de celui-ci, conduisant à une minoration du phénomène migratoire. Mal lui en a pris
Sa tentative de « compter les immigrés » ira jusqu’à être comparée, dans un livre du démographe Hervé Le Bras, au protocole nazi de la conférence de Wannsee…
(…) « Le fait que les partisans d’une politique migratoire plus dure et plus efficace dans l’opinion publique commencent à se faire entendre, au point d’avoir des élus en nombre à l’Assemblée nationale, change un peu la donne, ajoute Michèle Tribalat. On est contraint d’en parler. La multiplicité des médias laisse des espaces où il n’est pas tabou de parler franchement d’immigration. »
(…) La persistance de l’argument économique en faveur de l’immigration a longtemps constitué pour Michèle Tribalat un faux nez : « L’idéologie immigrationniste conjugue l’inéluctabilité du phénomène et son caractère bénéfique. Ces deux jugements ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Si l’immigration massive ne peut être empêchée, comme nous l’expliquent les hommes politiques, alors quel autre choix ont-ils que de tenter de convaincre l’opinion publique d’y consentir en présentant le phénomène comme quelque chose de positif ? »
(…) « Le Danemark et la Suède ont montré qu’il est désormais difficile d’espérer gouverner durablement sans jamais répondre aux souhaits des citoyens », appuie Michèle Tribalat. Les sociaux-démocrates sont parvenus à se maintenir au pouvoir au Danemark en se convertissant à une politique extrêmement ferme sur l’immigration. En Suède, ils en ont été chassés pour ne pas l’avoir fait, laissant les nationalistes devenir la première force du Parlement.