FIGAROVOX/ENTRETIEN – Un adolescent de 14 ans a été mortellement percuté par un chauffeur, le 14 décembre, à Montpellier, après le match France-Maroc, et des tensions intercommunautaires ont éclaté à la suite de ce drame. L’essayiste y voit un symptôme de l’ensauvagement de la France.
LE FIGARO. – Un jeune de 14 ans a été écrasé par un chauffard, en marge du match France-Maroc, à Montpellier. De quoi ce drame est-il le nom ?
Céline PINA. – C’est un drame qui aurait pu être évité. La question est : est-ce que c’est un accident isolé ? Ou est-ce la conséquence de rapports sociaux dégradés dans des quartiers ghetto où règne une logique multiculturaliste qui dresse les groupes ethniques et religieux les uns contre les autres et alimente une haine communautaire tenace ? La mort du jeune homme de 14 ans est-elle le produit d’une culture des quartiers qui encense la violence, la vengeance et les comportements tribaux ou est-ce simplement un fait divers tragique ? Il y a une enquête à mener pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Une enquête dont on pourrait avoir l’impression que personne dans ce quartier ne veut tant l’envie de vengeance est palpable et refuse toute autre logique que son assouvissement. Même les appels au calme de la famille sont ignorés par ceux qui jouissent de la puissance que démontre leur capacité à organiser des expéditions de représailles.
Autre point, parler de chauffard laisse entendre qu’il y avait volonté de tuer et que l’on serait en présence d’un crime gratuit à connotation raciste. La haine communautaire et ethnico-raciale que cette affaire met en évidence est palpable. Le contexte de détestation entre gitans et maghrébins explique pourquoi cette affaire ne reste pas dans un cadre privé mais devient tribale. L’expédition punitive filmée montre en effet non pas quelques personnes mais des dizaines et des dizaines qui vont aller dévaster l’appartement du coupable présumé ou de son passager supposé.
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Que nous n’ayons pas envie de le voir ne signifie pas que cela n’existe pas. Cela parle aussi de l’échec du multiculturalisme : quand on vit entre communautés séparées sur un même territoire, il n’y a pas de rencontres ni de respect culturel, mais haine et concurrence pour savoir qui va dominer l’autre.
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Là on parle de dizaines de personnes qui se déplacent pour investir un autre quartier que le leur, détruire un appartement et essayer de trouver un coupable présumé pour le lyncher. C’est de la sauvagerie à l’état pur. La dimension tribale vient du refus de laisser la police et la justice agir parce que l’appartenance au groupe efface tout. Quand une personne du groupe est touchée, c’est l’honneur de chacun des membres du groupe qui est atteinte. La vengeance n’est pas qu’une expression de la colère, elle est là pour montrer à la fois la puissance du groupe et son sens de l’honneur, mais elle marque aussi souvent la déshumanisation de l’adversaire.