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TRIBUNE. Dans sa revue de presse, Claude Askolovitch a accusé « Le Point » de couvrir un « gros mensonge » de Michel Houellebecq. La philosophe Bérénice Levet lui répond.

« Le Point » a été épinglé par Claude Askolovitch ce jeudi sur France Inter. En cause, le texte de Michel Houellebecq que nous avons publié dans le numéro de cette semaine, jugé « dégueulasse et indigne du Point » par le chroniqueur qui tient la revue de presse quotidienne. Plus graves sont les accusations que Claude Askolovitch prononce à l’encontre du journal, dont il fut le collaborateur : « Houellebecq ment, et Le Point n’en dit rien », ce qui serait « triste pour ce qui nous reste d’idées ». Dans ce texte qui fut sa première réaction aux menaces de plainte pour racisme de la part de la Grande Mosquée, Houellebecq écrit, à propos de Jean-Paul Sartre : « Mû par une haine de soi justifiée, il a appelé dans un texte demeuré célèbre au meurtre des hommes blancs. » Le texte en question est la préface des Damnés de la Terre, livre anticolonialiste de Franz Fanon écrit en 1961, relue par le journaliste d’Inter qui estime que « pas un instant il n’appelle au meurtre des hommes blancs ». La philosophe Bérénice Levet a elle aussi relu la préface des Damnés de la Terre. Elle en livre une autre interprétation… Voici son texte.

« En le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. » La phrase est bel et bien signée de Jean-Paul Sartre, elle figure dans la préface qu’il écrivit pour Les Damnés de la Terre de Franz Fanon qui paraît en 1961. Données factuelles, que chacun peut vérifier.

Et pourtant. Lorsque Claude Askolovitch, le chroniqueur de la Matinale de France Inter, responsable de la revue de presse, lit la préface du philosophe français, il ne rencontre nulle part d’« hommes blancs » – peut-être un Européen, mais il se gardera bien de le signaler, à moins que, dans son esprit, de l’homme blanc à l’Européen, la conséquence ne saurait être bonne ! –, si bien que le couperet tombe, le journaliste rend, sans appel, son double verdict : Michel Houellebecq ment, et ce avec la complicité de la direction et de la rédaction de l’hebdomadaire Le Point qui publie le texte du romancier et renvoie précisément aux Damnés de la Terre. « Houellebecq ment, et Le Point n’en dit rien. » Et le chroniqueur d’oser (mais on connaît le mot de Michel Audiard) : « Et c’est triste pour ce qui nous reste d’idées. »

Autrement dit, non seulement Claude Askolovitch ment effrontément à l’antenne de la radio « la plus écoutée de France » à cette heure-ci et calomnie publiquement, en toute impunité, et le romancier et une rédaction et sa direction. Mais en plus avec la complicité des deux animateurs de la matinale : ni Nicolas Demorand, maître des relances de la revue de presse, ni Léa Salamé ne s’autoriseront un moindre correctif ; ni l’un ni l’autre ne se risqueront à lui objecter la phrase de Sartre et par là immiscer quelque doute dans l’esprit des auditeurs. Évidemment, on pourra toujours m’opposer l’ignorance de nos journalistes, sinon de la phrase célébrissime de Sartre, du moins sa source, mais enfin qu’on me permette d’être sceptique… nos deux animateurs ont des prétentions légitimes, ils se piquent d’être instruits, cultivés, bref de n’être pas de « simples » journalistes. Où était également Yael Goosz, docteur ès-traque de « fake news » ?

(…) Sa revue de presse quotidienne relève tout à la fois, et depuis le début, de la grand-messe et du tribunal. L’homme assène, péremptoire, « ses » vérités, délivre, du haut de sa chaire, ses sentences, plus glaciales les unes que les autres – il aime à jouer les Minos ou les Osiris et expédie sans délai, mais sur un ton toujours suave, toujours velouté, en Enfer qui ne regarde pas l’immigration comme une « richesse pour la France » –, et le chroniqueur de nous bercer de récits plus lénifiants les uns que les autres – qui a la hardiesse d’inquiéter les thèses wokistes, ou de ne pas souscrire à la théorie du genre.

(…) Le Point


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