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Saisi par le ministère, le Conseil d’État réclame une peine plus sévère à l’encontre d’un enseignant pour son implication dans l’évacuation musclée d’étudiants occupant de force un amphithéâtre de l’université de Montpellier en 2018. Anne-Marie Le Pourhiet et François-Xavier Lucas décryptent cette décision.

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Restait à savoir, sur le plan disciplinaire, quelle sanction «proportionnée» sur l’échelle des sept sanctions prévue par le Code de l’éducation devait valoir à l’intéressé sa participation fautive à cette action violente. En première instance, le président de l’Université de Montpellier ayant déporté les poursuites vers la section disciplinaire du Conseil académique de Sorbonne Université, celle-ci a décidé la révocation de Jean-Luc Coronel de B. assortie de l’interdiction définitive d’exercer toute fonction dans un établissement public d’enseignement supérieur. En mars 2022 toutefois, sur appel du professeur, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), statuant en matière disciplinaire, a ramené la sanction infligée à une interdiction d’exercer ses fonctions pendant quatre ans dans tout établissement public d’enseignement supérieur, avec privation de son traitement. Cette réduction s’explique notamment par le fait que le doyen de la Faculté avait reconnu être à l’origine de l’entrée du commando dans les locaux. Le 30 décembre 2022, le Conseil d’État, saisi en cassation par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, juge la sanction prononcée par le Cneser disproportionnée, non pas parce qu’elle est trop forte mais, au contraire, parce qu’il la juge trop faible au regard de la faute commise ! Le Conseil d’État renvoie donc l’affaire au Cneser pour qu’il se prononce à nouveau sur les agissements de M. Coronel de B. Mais, en réalité, il enjoint le Cneser d’opter entre les deux seules sanctions supérieures qui restent dans l’échelle, c’est-à-dire la mise à la retraite d’office ou la révocation. L’exclusion radicale donc. Cette décision soulève plusieurs questions.

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Le malaise vient aussi de l’ignorance délibérée du contexte par le juge administratif. S’il retient, à juste titre, le caractère violent de l’évacuation à laquelle a participé l’intéressé, le Conseil d’État se borne, en revanche, à relier l’occupation illicite et brutale des locaux universitaires par un groupe d’étudiants à un vague «mouvement national», sans aucunement relever les brutalités, injures grossières et déprédations dont il s’accompagnait. Aucune mention n’est faite des carences manifestes du président de l’Université et du préfet à l’origine de la détérioration de la situation, alors que dans d’autres facultés, les forces de l’ordre étaient requises pour protéger les locaux et garantir les cours. Faut-il comprendre qu’un rétablissement de l’ordre musclé tendant à rendre un amphithéâtre à sa vocation naturelle, est une faute disciplinaire capitale méritant, même en l’absence de dommages corporels, l’éviction définitive de l’Université française ? Cette décision pour le moins inédite et discutable du Conseil d’État, adoptée sur pourvoi de la ministre de l’Enseignement supérieur, elle-même soumise aux pressions des syndicats étudiants, conduit à penser que le verdict eût été plus clément si l’intéressé, au lieu de protéger son université, avait prêté main-forte à son occupation. Comment ne pas rapprocher cette attitude de la sévérité observée par le juge judiciaire en matière de légitime défense, de réaction des agents de l’ordre aux refus d’obtempérer et de récupération par leurs propriétaires de logis squattés ? Force est d’admettre que les atteintes à l’État de droit ne sont pas jugées de la même façon selon que l’on se trouve du côté de l’ordre ou de celui du désordre. Aucune action n’a d’ailleurs, bien entendu, été engagée contre les étudiants auteurs de voies de fait, que ce soit au plan civil, pénal ou disciplinaire. Jean-Luc Coronel de B. ne faisant de surcroît pas mystère d’idées politiques conservatrices, il était le coupable idéal, le «briseur de grève» à offrir en sacrifice.

Il est regrettable que le ministre de l’Enseignement supérieur et le Conseil d’État n’aient pas été capables de faire raisonnablement la part des choses dans cette affaire, alimentant encore le sentiment de partialité idéologique des juridictions françaises.

Le Figaro

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