Les révélations d’un journaliste sur le mariage d’une fillette de 6 ans dont le père est lié à une puissante confrérie religieuse rappellent que les mariages précoces existent toujours en Turquie et révèlent le poids des confréries religieuses. Le procès s’ouvre ce lundi.
Un jour de décembre, la Turquie découvre horrifiée le calvaire d’une fillette de 6 ans. Le récit glaçant du journal Bir Gün fait la Une et alimente toutes les conversations. Les pleurs de l’enfant quand son “mari” de 29 ans la caresse et lui explique que c’est un jeu que pratiquent tous les époux. À l’âge de 14 ans, elle aurait pu être sauvée. Un médecin soupçonne et dénonce les maltraitances, mais un procureur classe rapidement l’affaire. En 2020, désormais jeune femme, c’est elle qui porte plainte. En vain. “De quelle protection les membres de cette confrérie İsmailağa ont-ils bénéficié ?“, s’interroge le journaliste.
Les liens entre le pouvoir turc et les confréries islamistes
L’affaire prend un tour politique Le Parlement s’enflamme. La ministre de la famille est chahutée. L’opposition manifeste. Devant le palais de justice, Kemal Kılıçdaroğlu interpelle le pouvoir.
“On parle de viol systématique! Et vous le savez depuis deux ans ! Heureusement qu’il y a des journalistes dans ce pays pour que nous l’apprenions aussi. Nous sommes devant le ministère de la Justice. Nos policiers ne sont-ils pas au courant de ces agissements ? Qui les empêche de faire leur travail ? En fonction de quels intérêts les procureurs étouffent cette affaire ? Cet fille réclame justice ! C’est notre enfant, notre fille !“
Pour Berk Esen, de l’université Sabanci, cette affaire révèle bien le poids et l’impunité des confréries religieuses dans la Turquie d’Erdogan. Car leur soutien est précieux au président :
“Erdogan retire toutes sortes d’avantages en coopérant avec ces mouvements religieux, explique-t-il. Ils sont là pour inculquer une idéologie religieuse à l’ensemble de la société. Ils gèrent des écoles, des hôpitaux, des ONG, des internats, ce qui permet à Erdogan de promouvoir son agenda islamiste. En retour, Erdogan distribue des ressources de l’Etat. Il accorde toutes sortes de marchés publics aux entreprises que gèrent les membres de ces mouvements religieux. Et ils bénéficient d’une véritable impunité. Rien ne leur arrivera tant qu’il sera au pouvoir C’est pourquoi ils défendent et soutiennent Erdogan à tout prix. Ce qui implique de mobiliser les électeurs, de faire pression sur la société afin qu’il ne soit pas critiqué… C’est ainsi que le modèle politique d’Erdogan survit.“
[…]En Turquie s’ouvre ce lundi un procès très attendu. En fin d’année dernière, une jeune femme a révélé avoir été marié de force à l’âge de six ans au sein d’une puissante confrérie religieuse. Cette affaire rappelle que les mariages précoces existent toujours en Turquie.