Après la mort de Mao en 1976, le Parti Communiste Chinois (PCC) sous la nouvelle direction, celle de Deng Xiaoping, fit le constat que le Collectivisme (en place depuis 1949) paralysait l’économie. En 1979, il décida soudainement de renoncer au modèle économique Collectiviste pour passer au modèle économique Capitaliste (tout en conservant intact son régime politique Totalitaire).
Les unités de production qui étaient jusqu’alors dispersées dans toutes les provinces (de façon à maintenir des emplois là où se trouvaient les populations) furent alors brutalement fermées par le PCC.
Dans les provinces intérieures de la Chine, il en résulta brusquement un sous-emploi susceptible de devenir massif : aux ouvriers licenciés et réduits à un chômage sans indemnité, s’ajoutaient les travailleurs issus de l’agriculture qui ne pouvaient désormais plus venir s’embaucher dans les usines locales.
Dans le même temps, le PCC s’employait avec succès à ce que se développent rapidement dans les provinces côtières, des entreprises industrielles tournées à l‘exportation, ce qui y suscitait des besoins importants de recrutement.
Les deux déséquilibres symétriques auraient pu spontanément se neutraliser l’un l’autre. Il aurait suffi de laisser les chômeurs des provinces intérieures migrer vers les provinces côtières en toute légalité et avec leurs familles.
Ce ne fut pas le cas. Le PCC entreprit alors de prendre appui sur ce contexte particulier pour constituer délibérément une armée considérable d’ouvriers esclavagisés et pour la mettre à disposition des nouvelles entreprises manufacturières qui naissaient sur les zones côtières.
Comment cela se passa-t-il ? Fort de son régime totalitaire, le Parti osa prendre une décision monstrueuse : malgré le sous-emploi massif dans les provinces intérieures, il maintint délibérément intacte une réglementation, héritée des empereurs et maintenue sous Mao : chaque Chinois doit vivre et travailler dans sa province de naissance ; pour migrer d’une province à l’autre, il doit préalablement obtenir un hukou, une autorisation de migration interne. Parallèlement, dans la coulisse, la Direction du Parti donnait la consigne que ces hukous ne soient accordés qu’au compte-goutte à ceux qui devaient migrer.
Résultat : inspirés par un instinct naturel de survie, les adultes des provinces intérieures, bien que démunis du précieux hukou, entreprirent quand même d’aller travailler dans les provinces côtières où les nouvelles usines manquaient de main d’œuvre. Un flux massif et récurrent de « migrants intérieurs illégaux » (ceux que l’on désigne comme les mingongs) se mit en place (et se renouvela) des provinces intérieures vers les provinces côtières.
Une fois arrivés sur place, les mingongs éprouvaient la vulnérabilité qui serait la leur : ils pouvaient à tout moment, au moindre faux pas, être renvoyés dans leur province natale pour y devenir des chômeurs sans indemnité ; ils se trouvèrent de ce fait obligés d’admettre des conditions de travail lamentables et plus encore des salaires horaires dérisoires.
A vrai dire, le PCC avait tout organisé par pour mettre durablement à disposition des entreprises, publiques ou privées, chinoises ou étrangères, une immense population d’ouvriers d’usine esclavagisés.
Le résultat : 291 millions de mingongs quasi-esclavagisés et surexploités.
Les mingongs, hommes et femmes adultes, ont des conditions de vie extrêmes : ils habitent des dortoirs proches des usines ; le plus souvent, les couples mariés se trouvent de facto séparés ; leurs enfants restent dans la province natale car le Parti interdit et empêche la scolarisation des enfants dans la province où les mingongs ont migré ; l’éducation des enfants revient ainsi à leurs grands-parents (qui sont eux-mêmes astreints à rester dans leur province natale).
En 2019, quarante ans après la décision prise par Deng Xiaoping, le PCC reconnaissait un chiffre de 291 millions de mingongs, hommes et femmes, tous en âge de travailler, soit 29% d’une population totale en âge de travailler de 984 millions de personnes.
Les mingongs sont presque tous des ouvriers et des ouvrières qui travaillent en usine et réciproquement, les ouvriers et ouvrières d’usines sont presque tous des mingongs. Il y a pratiquement coïncidence entre la population des mingongs et celle des ouvriers d’usine.
[…]Si en dépit d’une rémunération horaire très faible, les familles mingongs parviennent à maintenir leur revenu autour du seuil de pauvreté, c’est uniquement parce que les deux adultes travaillent et qu’ils pratiquent une durée du travail exceptionnellement élevée (on cite souvent une durée moyenne du travail autour de 80 heures par semaine assortie d’une seule semaine de congés annuels).
Les mingongs sont à la base de la stratégie conquérante du PCC.
Cette opération mingongs n’est pas du tout une erreur du PCC. Elle s’articule au contraire parfaitement avec la stratégie géopolitique qu’il a bâtie pour obtenir l’hégémonie mondiale qu’il recherche(ce qu’il désigne comme « le China Dream » et qui, en réalité, désigne le projet impérialiste du PCC ).
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