Fdesouche

Le plus gros procès de trafic de drogue que Le Havre ait jamais connu s’est ouvert à Douai, la ville voisine. Les six accusés, qui encourent des peines de 30 ans de prison, vivaient et opéraient aux Neiges ou dans les environs.

Les hommes – dont l’un est jugé par contumace – sont accusés d’avoir aidé les cartels de la drogue sud-américains à faire passer 1,3 tonne de cocaïne dans le port. Ce n’est que la dernière affaire en date qui alimente les craintes que Le Havre ne devienne la version française de ses homologues d’Europe du Nord, Anvers et Rotterdam, et ne succombe au “tsunami” de drogues dures qui déferle sur le continent.

Le nombre de conteneurs déchargés est passé de 1,5 million en 2004 à plus de trois millions l’année dernière. Les cargaisons légales de bananes, de crevettes, de sucre ou de conserves ont augmenté, tout comme les passages cachés de drogues – 10,5 tonnes ont été saisies l’an dernier, soit le triple de la quantité détectée en 2019.

“Nous n’avons ni le personnel ni les infrastructures pour faire face à de tels trafics”, prévient Alaine Lemaire, douanière et représentante syndicale CGT, qui précise que le nombre d’agents de surveillance est passé de 180 en 2004 à 90 aujourd’hui. “Beaucoup vivent désormais dans la peur”, a-t-elle déclaré au Telegraph. “Nous vérifions un pour cent des conteneurs qui entrent au Havre et vous pouvez supposer que nous empêchons un dixième de la cocaïne d’entrer. Ce procès est anecdotique et n’arrêtera pas le flot”.

Le Havre est désormais régulièrement le théâtre de scènes rappelant la série The Wire : dans un cas, un gang de trafiquants a quitté le port à bord d’un camion chargé de cocaïne sous les tirs de la police ; dans un autre, un groupe de criminels a pris d’assaut un dépôt étroitement surveillé pour s’emparer d’une cargaison cachée de drogue.

(…)

Alors qu’Europol estime désormais que le marché européen de la cocaïne représente 10,5 Md€ dans la rue, la pression augmente sur les dockers français pour qu’ils collaborent avec les cartels au Havre – un embarras pour le maire Edouard Philippe, qui a été premier ministre d’Emmanuel Macron et est largement pressenti pour lui succéder à la présidence française en 2027. Plusieurs dockers ont été emprisonnés pour avoir travaillé avec des gangs de trafiquants de drogue au Havre, la police affirmant que certains avaient été contraints d’aider les trafiquants.

Une trentaine d’entre eux ont été enlevés ou retenus en otage dans le port depuis 2017 – certains par des trafiquants de drogue, mais d’autres par des petits délinquants qui supposaient avoir profité du commerce. Cependant, presque aucun n’a porté plainte. Le pays a été choqué en juin 2020 lorsque le docker Allan Affagard, un influent patron du syndicat CGT, a été retrouvé décédé derrière une école de la banlieue du Havre. Ce père de quatre enfants, âgé de 40 ans, avait fait l’objet d’une enquête deux ans plus tôt, il avait été accusé d’avoir aidé à faire sortir une tonne de cocaïne du port – ce qu’il avait nié. Dans les semaines qui ont précédé sa mort macabre, il a été bombardé de menaces cryptées, dont une disant : “Tu nous dois une faveur. Nous savons où tu vis.”

(…)

L’avocate Valérie Giard représente l’un des hommes condamnés à perpétuité dans le procès de Douai qui a plaidé coupable. Selon elle, de nombreux dockers sont tombés dans le “piège”. “Certains sont tentés par l’appât du gain, d’autres refusent dans un premier temps car ils ont d’assez bons salaires – souvent autour de 4 000 euros par mois – mais ils reçoivent ensuite des menaces, des photos de leur femme et de leurs enfants. Les trafiquants de drogue leur disent qu’il est inutile d’en parler à leurs patrons ou à la police, car certains sont corrompus, et ils se sentent donc pris au piège”, a-t-elle expliqué au Telegraph. “Une fois qu’ils sont pris dans cette spirale, il est très difficile d’en sortir”, a déclaré le procureur du Havre, Bruno Dieudonné.

Mais certains habitants des Neiges sont moins indulgents. “Tous les dockers sont syndiqués à la CGT, qui est une sorte de secte mafieuse”, a déclaré un habitant de longue date des Neiges. “Ils font la loi ici et, en plus des salaires élevés, il y a toujours eu un peu de pingrerie de la part du port. Mais la drogue a tout changé et je dirais qu’aujourd’hui, 10 % sont parfaitement propres, 40 % pas trop mal et 50 % carrément pourris.”

(…)

The Telegraph

En Lien :

Fdesouche sur les réseaux sociaux