15/02/2023
30/01/2023
Italie : « Meloni n’a pas fait d’erreur, elle est parvenue à maintenir un profil crédible. Et ce en unissant une forte détermination, une capacité (…) à se confronter à la réalité sans perdre le contact avec son électorat »
Il faut dire que Giorgia Meloni a laissé aux oubliettes les vieux slogans qui ont accompagné son ascension depuis dix ans. Ce qui lui a même valu de nombreuses attaques en « renoncements » à ses convictions passées, et en « marches arrière » sur ses toutes premières mesures vite et mal ficelées et qu’elle a dû réécrire. Depuis cent jours, répétant « l’important est de tenir compte de la réalité », elle s’est même très sagement inscrite dans les pas de Mario Draghi, reprenant à la lettre la quasi-totalité de ses politiques : elle a présenté à Bruxelles un budget 2023 reprenant les grands équilibres de son prédécesseur, avec même une certaine rigueur, et a su renoncer rapidement aux symboles qui agaçaient Bruxelles. Elle a même fait preuve d’un certain courage politique en rétablissant les taxes sur l’essence à partir du 1 er janvier, ce qui lui a valu l’amorce d’une grève des pompistes.
Idem sur la politique étrangère. Se rangeant du côté de l’Otan, elle a maintenu le soutien actif de l’Italie à l’Ukraine, et n’a pas cédé un pouce aux penchants poutiniens de ses deux alliés, Matteo Salvini et Silvio Berlusconi, qui vont voter le sixième paquet d’attribution d’armes à Kiev. (…) Elle y a présenté son « plan Mattei » visant à « aider les pays africains à se développer et à s’enrichir . » « Elle a marqué plus de discontinuité avec son passé qu’avec le gouvernement précédent » , résume Claudio Cerasa du Foglio . Ce qui a fini par rassurer tout le monde. Avec même, note ce dernier, « un pragmatisme dans sa politique industrielle supérieure au pragmatisme légendaire de Draghi . » « Finalement , explique Giovanni Orsina historien et politologue à la Luiss, elle a fait ce qu’un gouvernement Macron aurait pu faire, se montrant beaucoup moins radicale et moins extrémiste que ce que tout le monde avait cru bon d’annoncer . »
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Pour autant Giorgia Meloni a donné durant ces 100 jours quelques gages au noyau dur de son électorat, en interdisant dès les premiers jours les « rave parties », en maintenant la peine de prison à perpétuité dure, comme en imposant aux bateaux d’ONG des règles de sauvetage et de débarquement des migrants sur le sol italien qui freinent leur activité. Mais elle ne crie plus contre les « bureaucrates franco-allemands », l’Europe étant devenue un partenaire avec lequel elle dialogue et une ressource vitale pour l’Italie. Car ce qu’elle veut aujourd’hui, c’est obtenir de Bruxelles l’autorisation de redéfinir le plan de relance pour lequel l’Italie doit recevoir 190 milliards de l’Europe : elle voudrait plus de temps, plus de fonds pour faire face à la hausse des coûts, et pouvoir sélectionner les projets les plus utiles à l’Italie, en abandonnant certains. De même sur l’immigration, elle pousse Ursula van der Leyen depuis la crise de l’ Ocean Viking avec la France pour que l’Europe défende mieux ses frontières externes et améliore les rapatriements des migrants à qui l’asile est refusé, des demandes peu éloignées de celles de la France.
D’ordinaire guère tendre avec la droite au pouvoir, l’éditorialiste de La Repubblica , Stefano Folli reconnaît que « jusqu’à présent, Giorgia Meloni n’a pas fait d’erreur capitale, et dans l’ensemble elle est parvenue à maintenir un profil crédible. Et ce en unissant une forte détermination, une capacité à ne compter que sur elle-même et à se confronter à la réalité sans perdre le contact avec son électorat . » « Avec en ligne de mire les élections européennes de 2024, explique Giovanni Orsina de la Luiss, Giorgia Meloni cherche à dédiaboliser le groupe des Conservateurs et Réformistes au Parlement dans l’optique d’offrir une alliance au Parti populaire européen, qui aura besoin de remplacer les socialistes » .