Au cœur d’une forêt de l’île japonaise septentrionale de Hokkaido, Atsushi Monbetsu s’agenouille sur la mousse dans l’épaisse brume matinale et dit une prière dans la langue quasiment disparue des Aïnous, l’un des peuples autochtones de l’archipel nippon.
“Kamui”, appelle-t-il, à l’adresse des divinités aïnoues. “Un Aïnou entre dans votre forêt et souhaite chasser le chevreuil”.
Il repère rapidement un petit groupe de cervidés et en abat un avec son fusil puis, un genou à terre, place les mains devant l’animal, paumes tournées vers le ciel, et les agite de bas en haut pour renvoyer son âme “au pays des kamui”.
Les Aïnous vivaient traditionnellement dans les îles aujourd’hui partagées entre le nord du Japon et la Russie, et commerçaient avec les Japonais, qu’ils appelaient “Wajin”.
Mais en 1869, l’empire du Japon a annexé les territoires aïnous à Hokkaido et banni des pratiques jugées “barbares” comme les tatouages faciaux des femmes, forçant les Aïnous à abandonner la chasse traditionnelle et à adopter des noms japonais. (…)