DÉCRYPTAGE – Déjà déchirée dans une affaire liée à la question trans, l’instance gouvernementale est accusée de diffamation par une éditorialiste.
Engluée dans une crise liée la question trans, la Dilcrah a-t-elle voulu rebondir en montant au créneau sur «l’anti-tsiganisme»? Dans un saisissant communiqué convoquant «l’imaginaire le plus sombre de notre République», la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT a annoncé mardi saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l’Arcom) «à la suite des propos intolérables tenus par la journaliste Anna Cabana sur BFMTV».
L’éditorialiste politique ne faisait que son métier. Elle dénonce «un cas ahurissant de diffamation publique par une instance gouvernementale». La Dilcrah a finalement retiré son communiqué, mais n’a pas présenté d’excuses ni à Anna Cabana, ni à BFMTV.
Dans une déclaration à en-tête du «gouvernement», l’instance présidée par la préfète Sophie Elizéon accuse Anna Cabana de «comparer l’Assemblée nationale à un camp de Gitans», alimentant ainsi «la haine envers une communauté déjà discriminée en France».
(…) La déléguée interministérielle avait-elle seulement visionné l’émission? «Il y a deux choses: une erreur de fond et une grave diffamation publique», indique Anna Cabana. Lors d’un débat, le 13 février dernier, sur la «stratégie du bordel» au Palais Bourbon, la journaliste commence par rappeler que l’«on entend les uns et les autres dire que l’Assemblée nationale n’a jamais été un salon de thé». Une référence aux récents propos de l’ancien président de l’Assemblée Jean-Louis Debré. «Mais là on est entre le camp de Gitans et le camp de guignols. Enfin, ce qu’on veut, mais c’est quelque chose qui tire tout le débat démocratique vers le bas», poursuit l’éditorialiste.
«Pour illustrer l’hystérisation de la séquence politique, j’ai repris mot à mot l’expression du sénateur centriste Hervé Marseille, “camp de Gitans” – expression qui avait défrayé la chronique la semaine précédente -, comme j’ai repris le mot du député européen Gilbert Collard (“guignols”) et comme j’ai repris les propos de “stratégie du bordel”. Je ne reprends évidemment aucun de ces mots à mon compte! Qui plus est, la Dilcrah n’a même pas obéi au principe de base du contradictoire: ni BFMTV ni moi n’avons été contactés.»
(…) Il y a tout juste un mois, c’était le débat autour de la médicalisation des enfants trans qui déchirait la Dilcrah. Les membres de son conseil scientifique avaient été brutalement congédiés par mail, après des mois de tensions sur fond d’accusation de transphobie. Douze des membres de cette instance indépendante chargée de formuler des recommandations à la Dilcrah venaient d’alerter, dans un communiqué, de la «dangereuse dégradation du débat public», réclamant le respect de «la liberté d’opinion»…