Désormais au 25 e rang mondial en revenu par habitant, la France s’appauvrit d’année en année, sans que nous en soyons vraiment conscients. Les raisons sont multiples, mais il sera bientôt trop tard pour faire machine arrière sans un sursaut politique et économique, prévient Etienne Wasmer.
Le PIB par habitant aux Etats-Unis augmente continûment relativement à la France et l’Allemagne. Il est désormais 80 % au-dessus de nous, selon le FMI, quand la Suisse est à plus du double. Désormais au 25e rang mondial en revenu par habitant, la distance de revenu entre nous et les Suisses ou les Américains est similaire à celle qui nous sépare des Grecs et des Portugais (50e et 40e pays dans ce classement). Nous pouvons aussi nous comparer à l’Allemagne : nous sommes 20 % plus pauvres en revenu par tête, un écart qui s’est creusé depuis 2007 (voir les graphiques ci-dessous).
D’où vient que nous ne soyons pas conscients de cela ? Parce que, habituellement, ces chiffres sont corrigés du coût de la vie – la PPP, pour « purchasing power parity ». Mais si on veut mesurer les rapports de force internationaux, ce sont les chiffres de PIB avant correction qui importent, ceux qui déterminent le nombre de tonnes de lithium ou de semi-conducteurs qu’un pays peut s’offrir. Si le prix local d’une coupe de cheveux ou d’une consommation dans un bar est plus basse dans les pays pauvres et atténue l’écart, tant mieux, mais c’est bien qu’ils sont pauvres. On n’échappe pas à cette logique.
En 2010, le PIB par habitant aux Etats-Unis était de 50.000 dollars, d’un peu plus de 40.000 en France et en Allemagne au cours du dollar/euro de l’époque. Source FMI
Le choc du Covid
On pourrait cependant arguer que le revenu moyen américain est tiré vers le haut par ses inégalités et que l’écart pour le ménage français moyen n’est pas si important. Cela est vrai, mais cela veut aussi dire, mécaniquement, que notre pays est moins attirant internationalement pour les plus qualifiés : pour les diplômés français, à l’écart de niveau de vie entre pays se rajoute donc la compression des revenus relativement à d’autres pays.
Ces divergences se révèlent en fait à la sortie des crises économiques. En 2007, nous avions confortablement blâmé la politique budgétaire, jugée insuffisante par rapport à la réponse américaine. Cette fois-ci, c’est le choc du Covid qui alimente ce déclassement, alors que nous avions largement ouvert les vannes budgétaires. Sont en cause à un titre ou à un autre : le système éducatif, la formation professionnelle, la motivation des salariés, une politique énergétique erratique, la politique du quoi qu’il en coûte, une innovation défaillante, etc., chacun trouvera de toute façon une explication confortant ses a priori.
Nous appauvrir en toute bonne conscience
Il y a cependant un dénominateur commun : les débats nécessaires sur les améliorations dans ces différents domaines démarrent immanquablement par leurs effets redistributifs, et, souvent, s’y arrêtent. Peut-être devrions-nous aussi demander quelle est l’incidence sur le revenu national, et pour paraphraser JF Kennedy : ne demandons pas seulement ce que notre pays peut faire pour nous (en redistribuant), mais aussi ce que nous pouvons faire pour lui (en contribuant).
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En 2010, le PIB par habitant aux Etats-Unis en dollars courants était de 1,18 fois le PIB par habitant en France et en Allemagne, une fois les euros convertis au cours du dollar de l’époque. En 2023 l’écart est de plus de 1,8 fois avec la France et 1,6 fois avec l’Allemagne. Source FMI
En 1990, le PIB par habitant aux Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat était de 1,21 fois le PIB par habitant en France et 116 en Allemagne. En 2023 l’écart est de plus de 1,35 fois avec la France et 1,17 fois avec l’Allemagne. Source FMI
Merci à BB