Dans “The Culture Transplant”, l’économiste américain affirme que les immigrés font beaucoup ressembler leur pays d’accueil à celui qu’ils ont quitté.
(…) Paru mi-novembre, The Culture Transplant : How Migrants Make the Economies They Move to a Lot Like the Ones They Left (Stanford Business Books) questionne lui les effets à long terme de l’immigration sur la trajectoire d’une nation, en se nourrissant notamment d’analyses statistiques et des nombreuses études publiées sur le sujet depuis le début du siècle. Rattaché à l’école du “choix public”, Garett Jones nage plutôt dans les eaux glacées du calcul coûts/avantages que dans les grands débats moraux… Entretien.
Garett Jones – Nous savons que ceux qui choisissent d’émigrer emportent là où ils s’installent une bonne partie de leurs attitudes politiques et culturelles, leur penchant pour l’épargne, leur confiance en l’autre, leur vision du rôle du gouvernement… Ils les transmettent à la seconde génération, puis à la troisième génération, qui sont moins scrutées. Si vous voulez savoir ce que donnera votre pays dans une poignée de décennies, une possibilité est donc de considérer la situation des pays dont sont arrivés les immigrés. Beaucoup d’éléments prouvent que l’assimilation n’est que partielle, et que les migrants font beaucoup ressembler les économies où ils s’installent à celles qu’ils ont quittées.
(…) Ma façon humoristique de présenter cette idée, c’est de dire que les Italo-Américains représentent environ 6 % des Américains mais que les restaurants italiens représentent environ 12 % des restaurants américains. Les immigrés ont donc changé, et amélioré les habitudes culinaires des Américains. Si nous pouvons voir cette fusion de nos propres yeux en matière d’alimentation, nous devons croire qu’elle se produit aussi dans le monde de la politique et de la culture. C’est ce que j’appelle la “théorie des spaghetti du changement culturel” : les immigrés changent les natifs, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. L’assimilation n’est jamais une rue à sens unique mais une route à deux voies.
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En somme, vous suggérez, plutôt qu’encourager l’immigration des pays pauvres vers les plus riches, d’encourager l’inverse, des pays riches vers les pays pauvres ?
S’il existe une façon de le faire de manière pacifique et volontaire, et gagnante pour les deux côtés, cela serait bienvenu, mais je pense plutôt que la stratégie la plus plausible serait pour les pays pauvres de favoriser, par exemple, l’immigration chinoise. Pendant au moins vingt ans encore, la Chine va rester suffisamment pauvre pour que des gens décident de la quitter pour d’autres pays pauvres, comme certains avaient décidé de la quitter pour l’Asie du Sud-Est. Et ils pourraient faire pour ces pays ce que l’immigration chinoise a fait pour d’autres, à savoir planter les graines de leur qualité institutionnelle et de leur prospérité futures.
À quoi ressemblerait une politique migratoire appropriée pour ceux que vous appelez les “I-7” ?
Pour ces pays, et donc la France, je me baserais sur un système à points proche de celui du Canada ou de l’Australie, mettant davantage l’accent sur l’importation de compétences que sur le regroupement familial. Il me semble qu’il existe un consensus politique sur ce système, qui fonctionne dans d’autres pays et ne nécessite pas de réinventer la roue. Je mettrais aussi comme critère, à un niveau inférieur, d’accueillir des migrants de pays qui affichent un haut niveau de revenu par tête hors ressources naturelles, c’est-à-dire de pays dont les institutions et la culture ont prouvé leur productivité et leur capacité à bâtir la prospérité.